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Les prélèvements d’organes sur donneurs décédés après un arrêt de soin pourraient démarrer prochainement en France

Bonne nouvelle pour les patients en attente de greffe de rein : un nouveau type de prélèvement d'organes pourrait bientôt démarrer en France et contribuer à lutter plus efficacement contre la pénurie…

Il concerne des personnes décédées en réanimation, suite à un arrêt cardiaque consécutif à un arrêt des thérapeutiques actives, dans le cadre de la loi Léonetti. Renaloo réclame de longue date cette évolution, qui est aussi une des propositions des Etats Généraux du Rein.

Plus d'infos dans cette dépêche de Sylvie Lapostolle, que l'APM nous a aimablement autorisé à reproduire.

A l’occasion du congrès international sur les prélèvements d’organes sur donneurs décédés après arrêt cardiaque organisé à Paris du 6 au 8 février 2013, l’Opecst a proposé, en partenariat avec l’Agence de la biomédecine (ABM), une audition publique pour prendre connaissance des expériences étrangères et engager une réflexion sur l’évolution des pratiques en France concernant les prélèvements sur donneurs décédés par arrêt cardiaque après un arrêt de soins.

Le Pr Jean-Louis Touraine (PS, Rhône), membre de l’Opecst, a rappelé que "malgré tous les efforts accomplis", la pénurie d’organes pour les greffes persistait. Même si l’activité de greffe a progressé, 12.320 patients étaient encore en attente d’un greffon rénal en 2011 (16.371 au total) et ce chiffre augmente, montrant que "l’effort doit être amplifié", a-t-il noté.

Après avoir repoussé les limites d’âge et avoir développé les prélèvements sur donneurs après arrêt cardiaque non contrôlé (catégories de Maastricht I, II et IV), il reste une catégorie à envisager, celle dite des Maastricht III, après arrêt cardiaque contrôlé en réanimation quand la décision est prise d’arrêter les soins, pour répondre aux besoins des patients en attente.

Comme l’a précisé Jean-Sébastien Vialatte (UMP, Var), vice-président de l’Opecst, en France, l’élargissement à la catégorie III relève du domaine réglementaire (il n’y a pas à légiférer), mais il a mis en garde sur les difficultés d’ordre éthique soulevées, sur d’éventuels conflits d’intérêt entre l’arrêt des soins en réanimation et le prélèvement.

"Le moindre faux-pas aurait un effet délétère conduisant les familles à refuser tout type de prélèvement", a-t-il alerté parlant d’"euthanasie utilitaire". Il a incité à s’inspirer de ce qui se fait ailleurs et à prévoir un encadrement très précis.

En France, les prélèvements sur les catégories I, II et IV pour le rein et le foie ont été mis en place selon des protocoles nationaux très précis notamment sur les délais à respecter (pour les temps d’ischémie) avec signature d’une convention entre l’agence et l’établissement de santé, a rappelé la directrice de l’ABM, Emmanuelle Prada-Bordenave.

L’agence a la volonté d’établir un nouveau protocole pour les prélèvements après arrêt cardiaque contrôlé.

Débuté en 2006 pour le rein, le programme français de prélèvement sur donneur décédé après arrêt cardiaque a permis pour 670 donneurs recensés de greffer 397 reins chez 391 receveurs. En 2012, le nombre de greffes rénales réalisées avec ces greffons a augmenté pour atteindre un record de 83 greffes, a rapporté Karim Laouabdia-Sellami, directeur général adjoint chargé de la politique médicale et scientifique à l’AbM.

La procédure a été améliorée avec le temps et elle nécessite une organisation optimale et beaucoup de motivation. Mais c’est très consommateur de moyens humains et matériels dans des délais très courts et cela génère du stress pour les équipes, a-t-il fait remarquer.

Ce type de prélèvement va être encore développé mais les prélèvements sur donneurs de la catégorie Maastricht III paraissent plus faciles à organiser. Ils se sont imposés dans des pays voisins, comme l’a rapporté le Pr Rutger Ploeg de l’université d’Oxford, ancien président de l’European Society for Organ Transplantation (Esot).

Aux Pays-Bas, le prélèvement sur donneur décédé après arrêt cardiaque contrôlé (arrêt des soins) représente 50% des organes prélevés, 45% au Royaume-Uni (où l’arrêt des soins est beaucoup plus pratiqué, ce qui réduit les possibilités de passage en état de mort encéphalique) et 19% en Belgique.

Pour lui, c’est une évolution nécessaire. "Ceux qui ne développeront pas les donneurs après arrêt cardiaque auront de gros problèmes car les donneurs en état de mort encéphalique (EME) diminuent (du fait de l’évolution des causes de décès)", a-t-il conseillé à ses collègues français en préconisant de prévoir des moyens pour bien l’organiser.

L’Espagne, championne de la greffe, s’y est mise aussi en 2009 et compte maintenant 18 programmes de prélèvement après arrêt cardiaque (II et III) dans neuf régions. Les donneurs décédés d’un arrêt cardiaque représentent 10% des donneurs (40% à Madrid). Les donneurs en EME sont stables et les progressions viennent du donneur vivant (+15%) et du donneur décédé après arrêt cardiaque (+44%), a décrit le Dr Rafael Matesanz, directeur de l’organisation nationale de la transplantation d’Espagne.

Le Dr Matesanz a expliqué que cette évolution s’était faite sans difficulté dans son pays, sans réelle discussion dans la société. Beaucoup de familles en parlent aux équipes directement. Il a souligné l’importance de bien séparer la fin de vie et le don.

EVOLUTION CHEZ LES PROFESSIONNELS

Les sociétés savantes ont été consultées en France et ont publié des recommandations -la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar), comme l’a rappelé le Pr Laurent Beydon, et le Pr Didier Dreyfuss (hôpital Louis Mourier, Colombes, Hauts-de-Seine) pour la Société de réanimation de langue française (SRLF).

Elles recommandent de choisir une pathologie pour laquelle le pronostic est relativement fiable (une fois l’extubation faite) comme l’anoxie cérébrale pour la Sfar, les cérébro-lésés pour la SRLF, de commencer par des sites pilotes avec un observatoire exhaustif permettant une évaluation.

Elles insistent sur la nécessité de bien dissocier l’accompagnement de la fin de vie et l’obtention ultérieure d’organes, de bien accompagner les familles et font des préconisations techniques.

Les discussions qui ont eu lieu lors de cette audition montrent que l’acceptation de la catégorie Maastricht III est bien meilleure aujourd’hui, même si les professionnels s’interrogent encore sur différents points (notamment sur le délai de survenue de l’arrêt cardiaque une fois l’extubation réalisée).

Pour le Pr Benoît Barrou, transplanteur à la Pitié-Salpêtrière, vice-président de la Société française de transplantation (SFT), le pourcentage d’organes greffables sera peut-être faible au début mais il s’améliorera avec les techniques de préservation d’organes.

Le Pr Bruno Riou, responsable du programme de prélèvement sur donneur décédé après arrêt cardiaque de la Pitié-Salpêtrière, farouchement opposé au Maastricht III à l’initiation de ces prélèvements, a déclaré qu’il n’avait plus d’opposition actuellement à condition de respecter deux points essentiels "qui peuvent être des lignes rouges".

"On ne peut prélever qu’un patient mort (en-dehors du donneur vivant)", a-t-il insisté citant un cas extrême de comportement déviant survenu à Denver (Colorado). Et on n’ajoute pas de produits (bêta-bloquants, curares) pour faciliter l’arrêt respiratoire et l’arrêt cardiaque une fois que les thérapeutiques sont devenues vaines.

Le Pr Touraine a estimé qu’il était "important de prendre le tournant. On n’est plus dans faut-il le faire mais dans le comment". Il reviendra à l’AbM de bien définir les conditions techniques pour rassurer les professionnels et l’ensemble de la population pour éviter tout risque de dérapage et pour que les concitoyens gardent la confiance dans le don d’organe, a-t-il ajouté.

Deux représentants de patients ont exprimé leur souhait d’avancer rapidement dans cette direction.

L’AbM va maintenant poursuivre la réflexion avec les professionnels pour déterminer les conditions optimales dans lesquelles il sera possible d’organiser ces prélèvements sur donneurs décédés après arrêt cardiaque contrôlé.
 

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