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Accès à la liste d’attente de greffe aux USA : mieux vaut être blanc et assuré que noir et sans assurance…

Aux USA, sans doute encore plus qu’en France, l’accès à la greffe rénale est compliqué. D’abord parce que la pénurie de greffons rénaux y est encore plus importante que celle que connaît l’hexagone, ensuite parce que le système de santé américain reste, à ce jour, bien plus inégalitaire que le notre.

En effet, au pays de l’Oncle Sam, avoir une assurance santé est tout simplement indispensable pour recevoir une greffe. Or, c’est un privilège qui n’est pas accessible à tous. 18% des américains n’ont aucune assurance et ne sont donc pas couverts pour leurs dépenses de santé.

On peut accéder à une assurance privée par l’intermédiaire de son employeur (mais ce n’est pas systématique), ou en la finançant soit même (mais c’est très cher). Dans certaines circonstances bien spécifiques, on peut bénéficier gratuitement d’une assurance publique, notamment de Medicare. 

Le fait de démarrer la dialyse est une de ces situations, ce qui permet à tous les patients d’être traités. Medicare prend également en charge la réalisation du bilan pré-greffe, mais seulement une fois que la dialyse a débuté. Pas avant.

Les personnes qui ont une assurance privée peuvent quant à elles anticiper la réalisation du bilan. Elles ont donc la possibilité d'être inscrites sur liste d’attente de manière préemptive, avant que la dialyse ne soit devenue nécessaire.
Ca, c’est la théorie.
La pratique, ce sont les chiffres mis en évidence par une étude publiée dans le n° du 31 janvier 2013 du très sérieux Clinical Journal of the American Society of Nephrology.

Le Dr Morgan Grams et ses collègues de la Faculté de médecine du John Hopkins Hospital de Baltimore se sont intéressés aux 122 000 personnes ayant reçu une première greffe de rein, provenant d’un donneur décédé, entre 1995 et 2011. 9% de ces patients ont pu bénéficier d’une greffe préemptive et 12% ont été transplantés durant leur première année de dialyse.

Ces travaux montrent que les personnes qui ont une assurance santé privée ont trois fois plus de chance de recevoir un greffon "rapidement" (de manière préemptive, ou durant leur première année de dialyse) que les autres… Ils révèlent aussi que les afro-américains ont 56% de chance en moins que les blancs (autres) d’être transplantés avant de démarrer la dialyse…

On sait depuis longtemps qu’aux USA, les greffes des afro-américains fonctionnent moins bien et moins longtemps que celles des patients caucasiens[1][2].

Parmi les explications à cette situation, le fait que les populations noires sont souvent très défavorisées et n’accèdent pas, ou mal, à des assurances santé (encore !). Alors que 13% des blancs ne sont pas assurés, ce taux passe à 22% chez les noirs.

Pour les patients préalablement non assurés et qui sont passés par la dialyse, les immunosuppresseurs sont pris en charge par Medicare, mais pour une durée de trois ans seulement. Au delà, ils doivent assumer eux même l’achat de leurs médicaments, dont le prix est très élevé. Ceux qui ne sont pas en mesure de payer arrêtent leur traitement… et perdent leur greffon, venant ainsi grever les statistiques, mais aussi les comptes de l'assurance publique US, puisqu'ils reprennent alors la dialyse, financée par Medicare sans limitation de durée, pour un coût annuel environ 5 fois plus élevé que le traitement post greffe, .

Pour corroborer l’hypothèse du lien entre couverture santé et résultat des greffes, on peut noter que cette différence de pronostic en fonction de l’ethnie ne se retrouve pas en France[3], où les résultats sont analogues pour les populations noires et blanches. Et on peut sans doute en remercier notre bonne vieille Sécu, qui continue à ce jour à redistribuer à chacun selon ses besoins… et limitation de durée !

Cette publication apporte un éclairage complémentaire sur les difficultés qui touchent les populations noires américaines, y compris dans les étapes très précoces de leur accès à la greffe. Les patients noirs mettent plus de temps à être inscrits sur la liste d’attente et ont tout simplement moins de chance d’être transplantés rapidement… Alors qu’on sait que plus la période passée en dialyse s’allonge, plus elle compromet la réussite de la greffe à venir[4].

L’étude montre également qu’il y a peu de différences, en termes de survie des patients, entre une greffe préemptive et une greffe ayant lieu après moins d’un an de dialyse. En revanche, elle confirme que les choses se compliquent pour les patients dont l’attente en dialyse se poursuit au delà d’une année.

Optimiste, le Dr Gram remarque que la réforme de la santé voulue par le président Obama pourrait permettre aux patients qui n’ont pas de moyens financiers suffisants d’accéder à une assurance privée et donc d’être inscrits beaucoup plus rapidement sur la liste d’attente…  Elle encourage aussi tous les patients à être inscrits sur liste d'attente de greffe avant le démarrage de la dialyse.

SOURCE: http://bit.ly/WUFpdl Clinical Journal of the American Society of Nephrology, online January 31, 2013.
 

[1] Alexander GC, Sehgal AR: Barriers to cadaveric renal transplantation among blacks, women, and the poor. JAMA 280: 1148–1152, 1998

[2] Held PJ, Pauly MV, Bovbjerg RR, Newmann J, Salvatierra O Jr: Access to kidney transplantation. Has the United States eliminatedincome and racial differences? Arch Intern Med 148:2594–2600, 1988

[3] Pallet N, Thervet E, Alberti C, Emal-Aglae V, Bedrossian J, Martinez F, Roy C, Legendre C: Kidney transplant in black recipients: Are African Europeans different from African Americans? Am J Transplant 5: 2682–2687, 2005.

[4] Meier-Kriesche HU, Kaplan B: Waiting time on dialysis as the strongest modifiable risk factor for renal transplant outcomes, Transplantation, 2002, n° 74, p. 1377-1381.

 

 

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