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Intégration de l’EPO dans le forfait de dialyse : la dépêche de l’APM…

Le projet de réintégration de l'EPO dans le forfait dialyse soulève de vives réactions

Dépêche de Sylvie LAPOSTOLLE, reproduite avec l'aimable autorisation de l'APM

La sortie de l'érythropoïétine (EPO) de la liste en sus pour être réintégrée dans le forfait dialyse à nouveau proposée par le ministère des affaires sociales et de la santé suscite de vives réactions, a constaté l'APM.

La direction générale de l'offre de soins (DGOS) a organisé une concertation avec les fédérations hospitalières, les associations de patients et les représentants des professionnels de santé et le Leem (Les entreprises du médicament) sur les érythropoïétines dans le cadre de la gestion de la liste en sus.

Deux réunions ont eu lieu, l'une en novembre et la seconde mercredi dernier. La DGOS a expliqué son intention de faire sortir l'EPO de la liste des produits facturés en sus des tarifs d'hospitalisation, au 1er mars 2014, et de l'intégrer au forfait dialyse (GHS), avec pour mesure d'accompagnement une augmentation du prix de séance de 26 euros.

L'EPO ne relève plus de l'innovation et son coût moyen représente 7% du coût des tarifs d'hémodialyse (soit moins que les 30% généralement requis pour la liste en sus), explique la DGOS dans les documents remis aux participants dont APM a eu copie.

Il est aussi prévu de mettre en place un suivi de l'utilisation de l'EPO (par un comité de suivi des EPO avec des réunions trimestrielles sur les données quantitatives et qualitatives), de garantir le bon usage, d'élaborer des actions de communication (circulaire aux ARS) et de prévenir le risque du contournement de l'utilisation en ville (par une analyse attentive de l'évolution de la consommation, des contrôles de l'assurance maladie).

La seconde réunion a été très animée. Une opposition forte a été exprimée par les fédérations d'établissements et les médecins, a-t-on rapporté à l'APM. Mais des associations de patients se montrent favorables.

"HAUTEMENT PREJUDICIABLE", POUR LES NEPHROLOGUES LIBERAUX

Dans un communiqué diffusé après la seconde réunion, le Syndicat des néphrologues libéraux (SNL, adhérent à la CSMF) "dénonce un projet dangereux et injuste". Le syndicat "s'élève vigoureusement contre le retour d'un projet d'intégration de l'EPO dans le forfait dialyse".

L'intégration de l'EPO dans ce forfait a déjà fait l'objet d'une polémique au printemps 2010. Un projet de sortie de ces médicaments de la liste en sus avait conduit à une levée de boucliers des associations de patients, des sociétés savantes en néphrologie et des représentants de l'hospitalisation privée, conduisant in fine au retrait du projet par le ministère, rappelle-t-on (cf APM FBNAL002 et APM FBNBA004).

"Le budget de l'EPO est très conséquent chez les patients dialysés. Cette mesure restreindrait donc l'accès à ce traitement pour des raisons financières, entraînant très rapidement une inégalité et une non-qualité des soins", affirme le SNL. L'EPO, qui entraîne une augmentation des globules rouges dans le sang, est produite essentiellement par le rein, mais la progression de l'insuffisance rénale entraîne sa diminution et une anémie avec des complications associées. Elle nécessite une administration exogène chez un grand nombre de dialysés (de l'ordre de 80%).

Le SNL rappelle qu'aux Etats-Unis, l'intégration de l'EPO au forfait dialyse a entraîné une augmentation très nette du nombre de transfusions sanguines et une baisse significative de l'hémoglobine moyenne des patients dialysés (par moindre utilisation de l'EPO). En plus de l'impact sur la qualité de vie et les complications liées à l'anémie, quand les patients sont davantage transfusés, ils sont moins éligibles à la greffe (du fait d'une hyperimmunisation).

Le syndicat redoute aussi l'arrivée des biosimilaires de l'EPO et estime que la substitution -qui, pour l'instant, n'est pas prévue par la loi, note-t-on- pourrait s'avérer dangereuse chez certains patients.

Pour le président du SNL, le Dr Jean-Paul Ortiz, la procédure actuelle "donne toute satisfaction tant pour la qualité de l'utilisation que pour la sécurité des soins apportés aux patients dialysés". Il dénonce "un blocage dogmatique de la part du ministère de la santé et de ses services cachant une volonté de restriction financière" et parle de "projet hautement préjudiciable".

LA FHP PROPOSE UN FORFAIT ANEMIE

La Fédération de l'hospitalisation privée de la dialyse (FHP-Dialyse) "dénonce un projet qui va pénaliser les patients". Pour son président, le Dr Gilles Schultz, la réintégration dans les forfaits de séance n'est pas la bonne solution, indique-t-il dans un communiqué diffusé lundi. La FHP-Dialyse redoute que cette évolution ne se fasse pas à moyens constants.

Elle propose à la place une réflexion sur la création d'un forfait "anémie" qui intègre le sang (transfusions sanguines), le fer et l'EPO. Cette mesure, qui selon la FHF-Dialyse "recueille déjà l'assentiment d'un grand nombre de professionnels", aurait pour mérite d'isoler les coûts des médicaments et des transfusions dont les prix sont fixés par les pouvoirs publics et de garantir la qualité de vie des patients, tout en respectant l'économie dans les dépenses".

Cette mesure prend en compte une autre modification à venir dans la prise en charge des dialysés, qui concerne le fer. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a décidé de classer l'administration des spécialités à base de fer par voie intraveineuse dans la réserve hospitalière à partir de janvier 2014 en raison de réactions graves d'hypersensibilité. Cela oblige l'établissement à disposer d'une pharmacie à usage intérieur (PUI), ce qui n'est pas le cas de nombreux centres d'autodialyse.

La fédération déplore par ailleurs l'annonce de tarifs dégressifs pour le traitement de l'insuffisance rénale chronique en centre en fonction de l'activité.

TROP DE RISQUES FINANCIERS POUR LA FEHAP

La Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés à but non lucratif (Fehap) n'est pas non plus favorable à l'intégration de l'EPO dans le forfait dialyse. La sortie de la liste en sus se justifie pour ce qui est du critère de l'innovation (l'EPO a maintenant des indications bien établies dans l'anémie) mais pas pour le critère économique (lorsqu'un médicament a un poids économique susceptible d'altérer les équilibres tarifaires), a indiqué mardi à l'APM David Causse, coordonnateur du pôle santé-social de la Fehap.

L'hétérogénéité des prescriptions d'EPO d'un patient à l'autre fait que, dans la pratique, un prix moyen par patient constituerait une rente économique pour les établissements qui n'en administrent pas et un risque économique trop élevé pour les structures qui ont beaucoup de patients sous EPO, explique-t-il.

Ce serait déstabilisateur pour l'équilibre des tarifs, ajoute-t-il. Selon le type de structure, le forfait dialyse varie d'un facteur un à 10, ce qui fait que la compensation de 26 euros n'aurait pas le même poids chez chacun.

La Fehap propose une autre solution qui serait la dispensation en ville de l'EPO tout au long du parcours du patient, ou via la PUI à condition de faire entrer l'EPO sur la liste de rétrocession. L'injection pourrait être maintenue en hémodialyse pour des raisons de commodité. Il faudrait mettre en place une coordination ville-hôpital en néphrologie pouvant s'appuyer sur le dossier pharmaceutique (DP). La Fehap propose une expérimentation pendant deux à trois ans avec comme indicateur le taux d'hémoglobine.

DES ASSOCIATIONS DE PATIENTS PAS OPPOSEES A LA REINTEGRATION

Alors qu'en 2009-10, les associations de patients avaient soutenu la contestation de la sortie de la liste en sus de l'EPO, certaines adoptent une position différente cette fois-ci. La Fédération nationale d'aide aux insuffisants rénaux (Fnair) et l'association de patients Renaloo, qui ont pris une position commune qu'elles publieront prochainement, ne sont ni pour, ni contre du moment que la qualité des soins est maintenue pour les patients.

"C'est une mesure organisationnelle et nous ne sommes pas contre du moment que la qualité de la prise en charge de l'anémie est garantie pour les patients", a indiqué à l'APM Laïla Loste, directrice de la Fnair, qui a apprécié la concertation mise en oeuvre par la DGOS.

"Les médecins craignent des baisses de financement mais, en l'état actuel des choses, avec le supplément de 26 euros, le financement n'est pas menacé", a estimé Yvanie Caillé, directrice et fondatrice de Renaloo, jointe par l'APM.

Les deux associations souhaitent profiter du débat pour que la qualité des soins s'améliore. Elles ont fait des propositions pour que la réforme s'accompagne d'une évaluation des pratiques et des prescriptions avec des mesures correctrices rapides en cas de problème. Elles ont aussi demandé le maintien du contrat de bon usage (CBU) lié à la liste en sus, même si l'EPO en sort.

Elles aimeraient profiter de l'article 43 de la loi de finances de la sécurité sociale (LFSS) qui prévoit des expérimentations pour améliorer le parcours de soins et la prise en charge des personnes atteintes d'insuffisance rénale chronique, pour travailler sur l'anémie avec un suivi du taux d'hémoglobine à court, moyen et long terme.

La Fnair et Renaloo souhaiteraient que la prise en charge de l'anémie soit davantage individualisée, certains patients ayant besoin d'être à 13 g/dL d'hémoglobine, d'autres se satisfaisant de 10.

"On nous dit que tout va bien aujourd'hui mais l'examen des données 2011 du registre REIN montre que, sur 33.000 patients dialysés, 85% reçoivent de l'EPO. Mais cette proportion varie de 62% à 97% selon les régions et, parmi ceux qui en reçoivent, seulement 33% sont dans la cible thérapeutique en termes de taux d'hémoglobine", cite Yvanie Caillé.

 

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