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Mycophénolate : les résultats de notre enquête auprès des femmes greffées du rein

Depuis le 30 septembre 2016, les femmes en âge de procréer doivent, pour que le pharmacien leur délivre leur Cellcept® ou leur Myfortic®, lui présenter tous les six mois un formulaire d’accord de soins, signé par elles et leur médecin, dans lequel elles s’engagent notamment à utiliser une double contraception pendant toute la durée de leur traitement.

Afin de mieux connaître le ressenti des patientes sur ce nouveau dispositif, Renaloo a réalisé une enquête auprès d’elles.

Ses principaux enseignements tiennent en trois points :

  • Près d’un tiers des participantes n’étaient pas informées de la tératogénicité du mycophénolate. Ce taux est alarmant au regard des risques de fausse couche et de malformations liés à ce traitement.
  • Plusieurs semaines après que le dispositif ait été rendu obligatoire, il reste très peu appliqué par les pharmaciens (seulement 6% des participantes se sont vues réclamer le formulaire pour obtenir leur médicament) ainsi que par les néphrologues (12% des femmes ont obtenu le formulaire par leur intermédiaire).
  • Les femmes greffées sont très majoritairement hostiles au dispositif et à l’obligation de double contraception. Elles sont également très nombreuses (>90%) à déclarer ne pas avoir l’intention de modifier leurs habitudes de contraception.

En conclusion, « l’affaire » du mycophénolate a posé de vraies questions, mais leur a apporté de très mauvaises réponses.

Les contraintes que l’on a tenté d’imposer à ces femmes, déjà largement malmenées par la maladie, ne semblent être acceptées ni par elles-mêmes, ni par les pharmaciens, ni par néphrologues. Une défiance partagée qui s’explique probablement, au moins en partie, par leur brutalité et leur absence de fondement scientifique. Renaloo s’emploie à ce que leurs bases soient revues.

Le taux élevé (>30%) de patientes ignorant la tératogénicité du mycophénolate est inquiétant et montre que leur information, sur des sujets aussi lourds de conséquences, reste insuffisante. 

Au total, cette affaire met en lumière un défaut manifeste d'intérêt médical et institutionnel, sur tous les aspects relatifs à la sexualité et à la procréation des femmes transplantées, que confirment à la fois :

  • les intéressées dans l’enquête
  • le déficit de données disponibles – le registre REIN, par exemple, malgré sa grande exhaustivité, ne comporte aucune information sur ces aspects, ni même sur les grossesses et le devenir des enfants nés de femmes transplantées
  • le très faible nombre de travaux et d’articles de recherche et de recommandations leur étant consacrés, au plan international
  • la violence de ce dispositif, lancé par l’ANSM, avec l'appui des laboratoires, sans concertation préalable avec les associations et sans anticipation de ses conséquences et perceptions par les patientes.

L’enquête en détails

Le recueil s'est déroulé sur internet en novembre et décembre 2016. 99 femmes greffées du rein, sous mycophénolate, en âge de procréer, ont participé.

Elles ont en moyenne 36 ans et 85% d’entre elles prennent ce traitement depuis plus d’un an (69% prennent du Cellcept®, 30% du Myfortic® et moins de 1% un générique).

Parmi elles, 16 seulement ont mené à bien une (ou plusieurs) grossesse(s) depuis leur greffe.

Un défaut d’information important sur les risques du mycophénolate en cas de grossesse
Contrairement à ce qu’on aurait pu attendre de cette population, jeune, engagée, utilisant internet pour sa santé, bénéficiant d’un suivi médical régulier, près d’un tiers de ces patientes ignorent que le MMF est tératogène, c’est à dire qu’il provoque des fausses couches et des malformations congénitales en cas d’exposition au cours de la grossesse. Compte tenu des biais de sélection de l’enquête, il est probable que ce taux soit encore plus important dans la vraie vie. Difficile de ne pas rapprocher ce défaut d'information avec celui qui a été observé pour la Dépakine, avec les conséquences que l'on sait.

Quelle contraception après la greffe ?
Environ la moitié des participantes utilisent la pilule comme moyen de contraception, 12% un stérilet et près de 30% avaient recours au préservatif masculin et seulement deux femmes portaient un implant contraceptif.
Plus de 15% des femmes n’utilisent aucun moyen de contraception, sans qu’il soit pour autant clair qu’elles aient ou non une activité sexuelle.

Un dispositif très peu appliqué
Alors que l’enquête s’est déroulée plusieurs semaines après que le dispositif a été rendu obligatoire, pour un médicament dont le renouvellement se fait chaque mois, seulement 6 femmes sur 99 se sont vues réclamer le formulaire par leur pharmacien pour obtenir leur mycophénolate.

L’application du dispositif par les néphrologues semble à peine supérieure, puisque seulement 12 femmes sur 99 indiquent que leur médecin leur a remis le formulaire.

Une proportion importante des patientes déclare avoir appris l’existence de ces nouvelles obligations par Renaloo. Certaines d’entre elles ont ensuite demandé conseil à leur néphrologue, avec plus ou moins de succès :

"C’est moi qui l'ai demander lors de ma sortie d'hospitalisation de peur que le pharmacien ne me le délivre pas",
"A ma demande il l'a fait",
"aucune info et y apporte peu d'importance",
"Même en lui demandant il n'était pas au courant que ce document existait".
Une très large majorité (96 femmes sur 99) indique ne pas avoir l’intention de modifier sa contraception en raison de ce dispositif.

Des contraintes très mal perçues par les patientes

La perception du dispositif par les patientes est très négative. Il est jugé "infantilisant", "contraignant", "exagéré", "brutal", "anxiogène" et "intrusif". La notion de double peine (une maladie et un traitement lourds, auxquels viennent s’ajouter des contraintes inutiles) revient fréquemment. Plusieurs participantes évoquent aussi la possibilité que le dispositif soit uniquement destiné à dégager la responsabilité des laboratoires.

Au total, le verbatim est très unanime pour le dénoncer :

"Deux contraceptifs?? Ça devient risible… Les nouvelles pilules sont 95% fonctionnelles alors, j'ai pas peur de tomber enceinte. Faut rester vigilante quand-même mais pour moi, c'est de la débilité"
"Très contraignant au niveau administratif aussi bien pour le médecin que pour la patiente au long cours"
"Je trouve absurde et contraignant d'imposer une double contraception"
"c’est encore une contrainte en plus pour nous. C'est déjà pas simple tous les jours"
"je n'ai pas besoin de signer un document pour avoir conscience des risques.. Rien n'empêche une personne qui aurait signé de ne pas prendre de contraceptif pour autant"
"Le patient n'est pas acteur subit des décisions prises pour se protéger legalement"
"Je crois qu'on sait se prendre en charge nous-même, nous sommes adultes et je trouve exagérée cette procédure"
"Bien d'informer les femmes, mais 2 moyen contraceptifs c'est n'importe quoi! Les greffée font déjà très attention donc elles devraient pouvoir vivre comme tout le monde"
"Ridicule!!! Car de toute façon nous n'avons pas le choix!!!"
"Je trouve cela très intrusif dans la vie des couples"
"Je suis indignée de voir comment les firmes pharmaceutiques font tout pour se couvrir, et encore plus depuis la dépakine… Et très en colère de cette double contraception"
"On frôle le harcèlement. C'est pour cela que j'ai fait une fausse déclaration"
"Brutal, personne n'a à intervenir sur nos pratiques contraceptives. Je suis devenue un greffon et non une personne a part entière"
"C’est un dispositif anxiogène, la greffe et ses traitements le sont déjà suffisamment. De plus, étant donné l'éthique de bon nombre de labo, nous sommes tjs en droit de nous poser la question dans quelle mesure ce dispositif est pour protéger les patientes"
"Ce qui est gênant, c’est que l'on ne nous fait pas confiance dans le suivi de notre pathologie et les décisions que l'on prend. J'attends personnellement qu'on me fasse confiance pour faire confiance aux médecins et aux institutions médicales"
"Intrusif et inutile. Les femmes qui ne peuvent avoir d'enfant, dont je fais partie, ne veulent se remémorer à chaque ordonnance que non elles ne sont pas enceintes"
"C’est le labo qui impose cela pour se couvrir, tous on doit suivre, c'est hors de question"
"Ce sont des formalités qui compliquent un peu plus la vie des greffées, et qui les infantilisent"
"Cela n'apporte aucune «valeur ajoutée», mais une contrainte supplémentaire pour la patiente. Si la patiente n'a pas ce document, pas de délivrance d'un médicament vital ? Les patients sont infantilisés"
"C’est une atteinte à la liberté individuelle de la femme et une infantilisation. En effet, je pense être capable de prendre correctement ma contraception"
"Il est contraignant et surtout invasif dans la vie des femmes, qui est déjà assez compliquée après la greffe"
"C’est surtout pour protéger les laboratoires des plaintes diverses en recours collectif qui leur coûteraient des milliards alors qu'avec ce simple papier ils ont la conscience tranquille"

L'ensemble du dossier (mise à jour le 16/12/2017)

> Renaloo interpelle l'ANSM (mai 2016)

> Voir les suites de cette action (mai 2016)

> Voir les suites de cette action (novembre 2016)

> Afin de mieux comprendre comment ce dispositif est perçu et ses conséquences pour les patientes, Renaloo a réalisé une enquête auprès des femmes transplantées sous mycophénolate : voir ses résultats (mars 2017) 
 
 

 

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1 Commentaire

  • Si le labo se couvrent avec ce papier c’est bien parce que il y a des cons (oui oui) qui vont porter plainte alors que cette tératogénicité est bien documentée (et ce même dans la notice du médicament).

    Bref ils ont bien raison de se couvrir.
    Après, cela ne devrait pas aller si loin en obligeant oui.

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