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Le débit de filtration glomérulaire : Un marqueur clé dans l’insuffisance rénale

4 janvier 2005, Le Quotidien du Médecin

Le poids de l’insuffisance rénale chronique étant de plus en plus lourd pour la société du fait du vieillissement de la population, le dépistage et la prévention de cette affection, prônés depuis quelques années auprès des médecins généralistes, sont plus que jamais d’actualité. Clef de voûte de cette démarche : le débit de filtration glomérulaire.

LE QUOTIDIEN – Quel est le contexte de l’insuffisance rénale chronique aujourd’hui en termes de poids pour la société ?

Pr MICHEL GODIN – Une enquête de la Caisse nationale d’assurance-maladie réalisée en juin 2003 a rapporté le chiffre de 50 000 patients atteints d’insuffisance rénale chronique terminale en France, dont 30 000 dialysés et 20 000 transplantés. En termes de coût, ces 0,08 % de patients correspondent à 2 % du budget de la Sécurité sociale, ce qui explique que l’accent soit actuellement mis de manière très privilégiée sur la prévention de l’insuffisance rénale par :
– l’identification des patients à risque, diabétiques et hypertendus en priorité ;
– la protection des reins déjà altérés de manière que l’insuffisance rénale ne continue pas à évoluer pour son propre compte ; cette protection passe par le maintien d’une pression artérielle = 130/80 mmHg, par l’utilisation d’inhibiteurs du système rénine angiotensine et par la réduction de la protéinurie*.
Pour dépister l’insuffisance rénale ou en évaluer l’évolutivité, on se fonde actuellement sur le débit de filtration glomérulaire.

Pourquoi la clairance de la créatinine n’est-elle plus de mise ?

La clairance de la créatinine évalue correctement le débit de filtration glomérulaire (DFG) mais, par définition, elle nécessite un recueil urinaire, qui est à la fois compliqué à réaliser et source d’erreur.
Par simplicité, on s’est de plus en plus servi du seul dosage de la créatinine sanguine, mais sa valeur ne dépend pas uniquement du DFG. Elle dépend aussi de la masse musculaire. Aussi peut-elle être interprétée, à tort, comme parfaitement normale chez un insuffisant rénal âgé, par diminution conjointe du débit de filtration glomérulaire et de la masse musculaire. En 1976, Cockcroft et Gault ont établi une formule d’estimation du DFG sans recueil urinaire, en intégrant comme paramètres l’âge, le poids et la créatinine sanguine, avec un coefficient différent pour l’homme et la femme. Cette formule permet donc d’identifier une éventuelle insuffisance rénale par l’estimation du DFG à partir du simple dosage de la créatinine sanguine. Une autre formule, dite Mdrd simplifiée, a été récemment proposée car elle a l’avantage de ne pas nécessiter de connaître le poids du patient. Il faut toutefois savoir que ces formules ne sont pas validées au-delà de 75 ans.
Quoi qu’il en soit, la valeur normale du débit de filtration glomérulaire se situant aux alentours de 120 ml/min, on évoque une insuffisance rénale significative à partir de 60 ml/min.

Quelle doit être la démarche du généraliste en constatant un tel chiffre chez son patient ?

La première chose à faire est de le confirmer, c’est-à-dire de redemander un dosage de la créatinine sanguine avec estimation du DFG de une à trois semaines plus tard, ce qui permet, de plus, d’évaluer une éventuelle évolutivité de l’insuffisance rénale. En cas d’aggravation, il faut directement passer la main au néphrologue. Si l’insuffisance rénale ne s’est pas aggravée, sa découverte fortuite doit faire rechercher des stigmates de maladie rénale par deux examens :
– la recherche d’une protéinurie et d’une hématurie microscopique, idéalement par une bandelette urinaire ;
– une échographie rénale qui donne des renseignements morphologiques, dilatation des voies excrétrices, taille des reins et présence d’une éventuelle asymétrie…
Toute anomalie doit faire adresser le patient au spécialiste.
En revanche, si tout est normal, il faut alors distinguer :
1) le sujet dont le DFG est < 30 ml/min, qui doit être adressé au néphrologue pour éviter une prise en charge trop tardive en dialyse ;
2) le sujet qui a un DFG compris entre 30 et 60 ml/min, qui doit être adressé au spécialiste s’il est jeune, et surveillé s’il est âgé et stable ;
3) le sujet dont le DFG est aux alentours de 60 ml/min, qui doit également être surveillé.
On peut avoir une idée de la périodicité de la surveillance d’une insuffisance rénale en divisant le chiffre de DFG estimé par 10. Ainsi, par exemple, un patient ayant un DFG à 40 ml/mn doit être évalué tous les quatre mois.

> PROPOS RECUEILLIS PAR LE Dr DELPHINE OLIVIER

(1) Vice-président de la Société de néphrologie, service de néphrologie, CHU, Rouen.

* Pour en savoir plus, voir le document ” Moyens thérapeutiques pour ralentir la progression de l’insuffisance rénale chronique chez l’adulte ” sur le site www.anaes.fr, rubrique Publications (néphrologie).

Quand demander systématiquement une mesure du DFG ?
Les deux maladies principalement responsables d’insuffisance rénale étant le diabète et l’hypertension artérielle, il est indispensable de rechercher systématiquement une éventuelle atteinte rénale chez les diabétiques et les hypertendus : les recommandations proposent :
– chez les diabétiques, un dosage annuel de la créatinine sanguine et de la microalbuminurie ;
– chez les hypertendus, un dosage de la créatinine sanguine tous les tans et une recherche de protéinurie tous les 5 ans.
Il faut aussi rechercher une insuffisance rénale en cas :
– d’antécédents de néphropathie familiale ou d’antécédents urologiques ;
– de maladie générale pouvant se compliquer d’atteinte rénale ;
ou encore ;
– avant l’injection de certains produits de contraste iodés ;
– avant (et au cours) d’un traitement par des médicaments potentiellement néphrotoxiques ou avant un traitement par des médicaments à élimination rénale pouvant s’accumuler dans l’organisme.

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