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L’hémodialyse quotidienne pour une meilleure survie

5 janvier 2005, Le Quotidien du Médecin

De 60 à 80 enfants de moins de quinze ans (nouveaux cas) sont dialysés en France, dont les trois quarts sont pris en charge en hémodialyse dans des centres spécifiques avec, pour la plupart, trois séances de dialyse hebdomadaire. L’hémodialyse quotidienne, qui fait l’objet d’une expérience pilote à Strasbourg, permettrait pourtant de mieux contrôler l’équilibre phosphocalcique, et par là l’état nutritionnel, et de préserver l’état cardio-vasculaire de ces jeunes patients.

Le point avec le Pr Michel Fischbach (1)

Le Quotidien – Dans quel contexte en est-on venu à réaliser des séances de dialyse quotidienne ?

Pr Michel Fischbach – Quand on prend en charge dans un service de dialyse des malades difficiles – c’est-à-dire très âgés ou très jeunes, ou encore très actifs physiquement et donc ayant des besoins nutritionnels subnormaux -, les classiques trois séances de dialyse hebdomadaires ont souvent besoin d’être prolongées, voire complétées par des séances supplémentaires (dites ” séances rescue “). De ce constat est née l’idée d’une dialyse quotidienne, qui présente des avantages sur les plans cardio-vasculaire, nutritionnel et psychologique, mais permet également au dialysé de respecter son programme journalier, sans être suspendu à la ” surprise ” d’une séance prolongée, voire d’une séance supplémentaire le lendemain.
L’impact cardio-vasculaire de ce rythme quotidien comporte un effet direct sur le cœur grâce à l’épuration des toxines en plus grandes quantités, un effet indirect sur la pression artérielle, grâce à un meilleur bilan hydroélectrolytique, ainsi qu’un effet sur les calcifications vasculaires et sur l’athérosclérose accélérée du dialysé, grâce à un meilleur produit phosphocalcique. En pratique, les indices de fonction cardiaque se normalisent et les risques de calcifications coronariennes et d’infarctus du myocarde sont largement diminués, ce qui constitue, chez les enfants tout particulièrement, un bénéfice majeur.

Pourquoi tout particulièrement chez les enfants ?

Car la plupart des enfants mis en dialyse dès le jeune âge présentent, à partir de 20 ans, leurs premières calcifications coronariennes et, entre 25 et 35 ans, une surmortalité cardiaque par une incidence très majorée d’IDM (de 300 à 600 fois plus que dans une population normale du même âge…). Cela pose la question suivante : a-t-on le droit en 2004 de faire simplement survivre un enfant en attente de greffe, alors que l’on peut aujourd’hui limiter le vieillissement vasculaire lié à la dialyse ?… Ou encore, est-il éthique de pratiquer seulement trois séances hebdomadaires de dialyse quand on sait aujourd’hui qu’une séance quotidienne limite ” l’athérosclérose accélérée ” ?
Au plan nutritionnel, la dialyse quotidienne améliore l’appétit de ces enfants tout en optimisant la balance nutrition-épuration dans le sens de l’anabolisme (disparition des hyperphosphorémies) et, de ce fait, leur vitesse de croissance s’accélère, ce qui est essentiel. Il faut savoir en effet que tout enfant en insuffisance rénale terminale et dialysé a une vitesse de croissance restreinte (de 1 à 3 cm/an), qui aboutit sur plusieurs années à un déficit de croissance nécessitant l’administration d’une hormone de croissance. En palliant ce déficit, l’hémodialyse quotidienne apporte un espoir de croissance naturelle pour tous ces patients.
Au plan psychologique, enfin, ce rythme quotidien de la dialyse améliore la compliance des patients, en particulier celle des préadolescents qui, dès que l’on évoque la nécessité d’une dialyse prolongée, rentrent souvent dans une spirale d’opposition vis-à-vis des parents et de l’équipe de dialyse, et en arrivent par exemple à ne pas manger le matin de la dialyse pour être plus proches de leur poids sec, ce qui entraîne une sous-nutrition.

Quels sont les craintes des dialyseurs encore sceptiques vis-à-vis de l’hémodialyse quotidienne ?

Leurs craintes sont triples :
– un surcroît de travail, qui est indéniable, mais pour une telle amélioration pronostique des enfants… ;
– une difficulté d’annoncer ce nouveau rythme des séances aux patients : elle est réelle, mais il faut savoir mettre en avant les avantages au plan de la santé du dialysé et au plan de son organisation quotidienne ;
– une crainte concernant la voie d’abord, qui n’est pas fondée car, même si l’on pique la fistule cinq ou six fois par semaine, l’aspect de celle-ci est bien meilleur que dans le programme à trois dialyses hebdomadaires, tout simplement car les enfants ont un état nutritionnel optimal.

Quid de la greffe rénale chez un enfant hémodialysé quotidiennement ?

L’hémodialyse quotidienne permet justement de ne pas hypothéquer la vie des patients, mais au contraire, de préparer le terrain en prévenant la formation de calcifications coronariennes et en assurant une meilleure croissance. Cette dernière réalité est importante car, en cas de retard de croissance avéré en dialyse, une greffe rénale réussie ne permet de revenir à une vitesse de croissance de rattrapage que dans 30 % des cas. Les autres enfants greffés ne peuvent pas bénéficier de l’hormone de croissance car celle-ci augmenterait les risques de rejet du greffon.

> Propos recueillis par le Dr Delphine Olivier

(1) Responsable du service pédiatrique de dialyse et de transplantation rénales,
CHU Hautepierre, Strasbourg.
Pour en savoir plus : Fischbach M. et Coll. ; ” Daily online haemodiafiltration : a pilot trial in children “. ; ” Nephrol Dial Transplant ” 2004 ; 19 : 2360-2367.

Dans le monde
Très rare chez l’adulte, puisqu’elle n’est pratiquée en Europe que dans quelques centres de dialyse, l’hémodialyse quotidienne l’est encore plus chez l’enfant, puisqu’elle n’est réalisée que dans deux centres de dialyse pédiatrique dans le monde : le centre canadien de Lorène Bell (Montréal) et le service de dialyse et de transplantation de l’hôpital de Hautepierre (Strasbourg). La technique en général utilisée est celle de l’hémodiafiltration, soit la plus performante ; en assurant une épuration par diffusion et par convection, elle porte en effet sur l’ensemble du spectre des toxines urémiques.

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