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Cinq ans après l’opération, la greffe des deux mains réalisée à Lyon est un succès

14 janvier 2005, Le Monde

Les leçons de la transplantation effectuée par le professeur Dubernard pourraient conduire à de nouvelles méthodes de rééducation. 26 interventions du même type ont déjà été pratiquées.

Le 13 janvier 2000, la direction des Hospices civils de Lyon annonçait qu’une équipe chirurgicale internationale dirigée par le professeur Jean-Michel Dubernard (hôpital Edouard-Herriot) avait tenté le même jour une greffe bilatérale de mains. Cette première chirurgicale mondiale était pratiquée chez un homme de 33 ans, dont les mains avaient été amputées quatre ans auparavant à la suite de l’explosion d’une fusée artisanale. Elle nécessitait la collaboration de 50 soignants – dont 18 chirurgiens.

Les deux greffons avaient été prélevés chez un même donneur décédé, dont la famille, informée de la tentative, avait donné l’autorisation de prélever les membres supérieurs. Au terme d’une intervention de 17 heures, les mains et la partie inférieure des avant-bras du donneur avaient pu être simultanément greffés en suturant les artères, veines, nerfs, tendons, muscles et la peau après fixation des os de l’avant-bras.

Cinq ans plus tard, le 13 janvier 2005, le chirurgien lyonnais, également député et président (UMP) de la commission des affaires sociales, a estimé que la double transplantation était un succès.

Lors d’une conférence de presse, tenue à Lyon en présence de son patient, le chirurgien a indiqué qu’aucune complication n’était apparue en cinq ans, excepté deux brefs épisodes de rejet cutané (en mars et avril 2000) traité avec succès par des corticoïdes.

Après une phase de rééducation intensive et de soutien psychologique, le patient a pu reprendre une activité professionnelle, en mai 2003. Il suit depuis cinq ans un traitement immunosuppresseur du même type que celui qui est administré aux personnes chez lesquelles a été greffé un cœur ou un rein.

Les examens spécialisés ont mis en évidence un retour progressif, en quelques mois, de la sensibilité atteignant l’extrémité des doigts. Une sensibilité plus fine, ainsi que la reconnaissance tactile des formes et de la texture des objets hors du champ visuel, s’est par la suite développée.

“Dès la première année, les gestes utilisés pour tenir un crayon, un verre, une paire de ciseaux, se raser et prendre en charge son hygiène personnelle sont devenus possibles, a observé l’équipe médicale lyonnaise. Cette amélioration s’est poursuivie et notre patient mène une vie normale.”

APPROPRIATION

Pour les médecins, l’une des questions les plus difficiles était de savoir comment le receveur pouvait, d’un point de vue psychologique, s'”approprier” des mains qui avaient appartenu à quelqu’un d’autre. Les psychologues ont observé que cette appropriation progressait en même temps que revenait la sensibilité. Lorsque cette sensibilité a atteint l’extrémité des doigts, le patient a commencé à parler de “ses” mains.

Pour le chirurgien lyonnais, cette première a permis d’observer l’existence d’une plasticité inattendue du cortex cérébral. Contrairement à ce que certains postulaient, il a pu être démontré que les muscles des mains greffées retrouvent une représentation fonctionnelle dans le cortex moteur des transplantés.

Ceci pourrait conduire les spécialistes des sciences cognitives à mettre au point de nouvelles méthodes de rééducation, notamment pour les patients victimes d’accidents vasculaires cérébraux.

Depuis cinq ans, 26 greffes de main (dont 6 bilatérales) ont été pratiquées dans différents pays européens, ainsi qu’aux Etats-Unis et en Chine, avec pour l’essentiel des résultats similaires à ceux obtenus par l’équipe française. “Aujourd’hui, une nouvelle ère dans l’histoire de la transplantation s’ouvre, celle des greffes composites, explique le professeur Dubernard. Déjà des greffes de larynx, des greffes de genoux, des greffes de paroi abdominale ont été réalisées annonçant les greffes d’autres parties du corps, associant plusieurs tissus. Rien n’interdit plus désormais de songer à des greffes de la face.”

En mars 2004, le Comité consultatif national d’éthique avait rendu un avis négatif sur les greffes de la totalité de la face, mais ne s’était pas opposé à des greffes portant sur une partie du visage.

Jean-Yves Nau

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