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L’avenir des greffes d’organes

15 avril 2004, France – Amérique

L’Établissement français des greffes (EFG) a publié le 8 avril un bilan tout en demi-teinte de dix années de greffes. La pénurie de greffons est toujours là, aggravée par la crise actuelle de l’hôpital. Désormais, l’organisme, qui dit avoir retrouvé la confiance, va chercher à augmenter l’activité de prélèvements, optimiser les listes d’attente des malades,
« labelliser » les meilleures équipes de greffeurs.

Les résultats préliminaires de l’activité de prélèvements et de greffes pour 2003 montrent un recul par rapport à 2002 : alors que le taux de prélèvement était de 19,7 par million d’habitants, il passe à 18,3 en 2003 (en 2001 il était de 18).

Le nombre de sujets en état de mort encéphalique prélevés est de 1 119 en 2003, contre 1 198 en 2002 soit une baisse de 6,6 %. La baisse de l’activité de prélèvements est liée, pour l’EFG, à la baisse des accidents traumatiques de la voie publique, mais aussi à la crise hospitalière actuelle qui rend très difficile le maintien d’une activité de prélèvements considérée « marginale » par l’« establishment » médical.

Pour lutter contre la pénurie, l’EFG souhaite mieux recenser les morts encéphaliques (en particulier des personnes âgées) dans les 230 centres hospitaliers préleveurs. On veut aussi, et c’est louable, assurer une meilleure égalité d’accès à la greffe : ainsi, une équipe de greffe vient de recevoir son autorisation à Pointe-à-Pitre, elle doit commencer à travailler prochainement avec des greffons prélevés localement. L’EFG étudie aussi la possibilité de prélever des organes sur des patients en arrêt cardiaque : les résultats seraient devenus excellents.

« Attention, il faut que ces arrêts cardiaques soient survenus en réanimation ; on a très peu de temps pour parler à la famille, pour faire la greffe », pondère un responsable de la Société française de transplantation. Ce n’est pas, loin de là, une source importante de greffons.

Pour la greffe de rein, le problème se pose aussi de l’élargissement d’un donneur vivant du cercle familial aux oncles, cousins, au conjoint. La révision des lois de bioéthique devrait enfin autoriser l’amplification de cette pratique (actuellement 6 à 7 % des greffes de rein).

Entre conjoints, ce don d’organe sera autorisé « à condition que la preuve soit administrée de deux ans de vie commune ». Or, des procureurs de la République ont manifesté déjà auprès du rapporteur de la loi leur inquiétude que des trafics humains ne soient facilités par cet assouplissement.

Et Jean-François Mattei, devant le Sénat en décembre 2003, s’inquiétait de cet élargissement excessif selon lui, « du champ des donneurs vivants aux personnes ayant « un lien étroit et stable » avec le receveur. Comment s’assurer que les principes de libre consentement et de non-commercialité du corps ne soient pas bafoués ?

Pour Carine Camby, directrice générale de l’EFG, « nous sommes en contact étroit avec la Chancellerie, aucun problème n’a été soulevé officiellement par la justice. Ce n’est pas du tout un sujet majeur d’inquiétude ». Souvent le rein de la femme n’est ni en assez bon état, ni compatible avec le mari.

Enfin, Carine Camby considère qu’il y a trop d’équipes de transplantation pulmonaire en France et pas assez « de vraies usines de greffe de poumon » : certains centres ne font qu’une ou deux greffes par an et devront arrêter. Il est vrai qu’il s’agit d’une greffe « lourde, complexe, difficile ». En situation de pénurie, l’EFG souhaite que puissent être pris des donneurs « limites ayant des poumons utilisables ».

Réaction immédiate d’un chirurgien greffeur, Daniel Loisance (hôpital Mondor, Créteil) : « Je suis extraordinairement hostile à l’utilisation de greffons marginaux, la preuve scientifique de leurs mauvais résultats est d’ores et déjà administrée ! »

Le professeur Dartevelle (hôpital Marie-Lannelongue, Le Plessis-Robinson) dit utiliser déjà des greffons marginaux « de donneurs de plus de 55 ans, des poumons avec de mauvaises gazométries… Je ne vois pas comment tirer encore plus vers le bas ».

Par Jean-Michel BADER

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