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Rapport REIN 2018 : qui sont les patients dialysés et greffés en France et comment sont-ils soignés ?

Le rapport REIN 2018 a été rendu public en juillet 2020. Il propose des informations chiffrées sur l’ensemble des patients traités par dialyse ou greffe en France en 2018, suivis dans le registre REIN.

Ces données permettent de faire un état de lieux, mais aussi de suivre les évolutions dans le temps, ce que paradoxalement le rapport fait peu. Renaloo s’est donc replongé dans les précédentes éditions pour y récupérer des données des années antérieures.

Le résultat n’est pas très positif : pas d’embélie en vue en 2018, au contraire. La plupart des indicateurs continuent de se dégrader.

 Le nombre de patients dont les reins ne fonctionnent plus et traités par dialyse ou greffe a augmenté de près de 3%. Fin 2018, 89.692 patients au total étaient traités par dialyse ou greffe (84.683 en 2017).

  La répartition dialyse / greffe n’évolue pas depuis des années : 45% des patients sont greffés (40.421), 55% dialysés (49.271)alors que ce rapport est au moins inversé dans de nombreux pays.

  Le nombre de patients dialysés de plus de 85 ans a augmenté de 60% depuis 2009 (7.103 en 2018, 6.387 en 2017) alors que des questions légitimes se posent pour eux quant au recours à ce traitement lourd.

  Malgré cette part croissante de patients très âgés, ils ne sont pas tous des séniors : plus d’un tiers des patients dialysés sont en âge de travailler et rencontrent d’immenses difficultés pour concilier leur activité avec leur traitement.

 Comment sont soignés les patients dont les reins ont cessé de fonctionner en 2018 ?

➡️ Au cours de l’année 2018, 11.343 personnes ont commencé un traitement par dialyse (10.879) ou greffe préemptive (464).

➡️ Bien qu’il s’agisse du traitement préconisé en première intention, la greffe préemptive (sans passer par la dialyse) est en diminution et ne concerne plus que 4,1% (464) des patients (contre 4,7% en 2017).

➡️ Le recours comme 1er traitement à l’hémodialyse en centre, la plus lourde et la plus coûteuse, continue, lui, de progresser. Elle concerne désormais 86,1% des patients (85,2% en 2017).

➡️ De façon stable depuis des années, 30% des patients ont démarré en 2018 la dialyse dans un contexte d’urgence.

 La greffe rénale, en diminution inquiétante en 2018

➡️ 3.567 greffes rénales ont été réalisées en France en 2018, en diminution de -6% (-215 greffes) par rapport à 2017.

➡️ Cette diminution est très inquiétante, dans un contexte où l’ensemble des recommandations plaident au contraire pour élargir fortement le recours à la greffe de préférence à la dialyse, et où le nombre de patients dialysés augmente de 3 à 4% chaque année.

  La chute de la greffe de donneur vivant

➡️ Alors qu’il stagnait depuis trois ans, le nombre de donneurs vivants a régressé de -12% en 2018 : seulement 537 greffes de ce type ont été réalisées, contre 611 en 2017, alors que le plan greffe 3 fixe l’objectif de 1000 en 2021.

➡️ La part de la greffe de donneurs vivants en France (15%) reste très inférieure à celle observée chez beaucoup de nos voisins européens, où elle dépasse régulièrement les 30% (Royaume Uni, Pays Bas, pays scandinaves, etc.).

➡️ On sait désormais que ces tendances à la baisse se sont poursuivies en 2019 en France, alors qu’au contraire l’Espagne battait son propre record mondial en matière de greffes

  Un accès à la liste nationale d’attente de greffe toujours trop limité

➡️ En 2018, le nombre total de patients en attente de greffe rénale a atteint 19.625, contre 18.793 en 2017.

➡️ Pour la première fois en 10 ans, le taux de croissance de la liste n’est que de 4% contre 6 à 9% les années précédentes, avec une croissance globale de 82 % en 10 ans.

➡️ Parmi ces candidats à la greffe rénale, la part des patients en contre-indication temporaire (CIT, c’est à dire inscrits mais qui ne peuvent pas être greffés) a progressé de 27 à 47 % en 10 ans.

➡️ Au final, la progression annuelle du nombre de patients en attente et pas en CIT n’est plus que de 3 % au 01/01/2019, contre 8 % au 01/01/2014.

  Des inscriptions trop tardives et insuffisantes

➡️ La moitié des patients de moins de 60 ans ne sont toujours pas inscrits après 17 mois de dialyse, alors que les recommandations prévoient qu’ils le soient au moins 12 mois avant le début de la dialyse, soit près de deux ans et demi de décallage entre les recommandations et les pratiques moyennes observées.

➡️ L’accès à la liste d’attente reste toujours très faible pour les plus de 60 ans et les diabétiques.

  Absence d’efficacité des recommandations HAS de 2015 sur l’accès à la liste d’attente

➡️ Le rapport REIN 2018 comporte un focus sur l’évaluation de la mise en œuvre des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) sur l’inscription sur la liste d’attente de greffe rénale, publiées fin 2015. Il constate qu’elles « n’ont pas impacté de manière forte l’accès des patients à la liste nationale d’attente ».

➡️ En d’autres termes, ces recommandations ne sont pas, ou sont insuffisamment mises en œuvre dans les pratiques médicales des néphrologues.

⚠️ On rappelle que ces recommandations prévoient que tout patient de moins de 85 ans, avec une maladie rénale chronique irréversible, dès lors que sa fonction rénale est abaissée en dessous de 30% de la normale (DFG < 30ml/min/1,73 m2) et évolutive, dialysé ou non, peut être candidat à la greffe, sauf en cas de contre-indication ou situation complexe.

⚠️ Les contre-indications à la greffe rénale identifiées par la HAS sont les suivantes :

  • un âge supérieur à 85 ans
  • un cancer évolutif, qui n’est pas guéri,
  • une maladie infectieuse non contrôlée,
  • une maladie cardio-vasculaire ou respiratoire sévère rendant impossible une anesthésie générale,
  • des troubles ou une maladie psychiatrique non stabilisés,
  • une démence,
  • une obésité majeure, avec un indice de masse corporelle supérieur à 50 kg/m2 (cependant, la plupart des équipes médicales en France ne greffent pas au delà d’un IMC de 40 kg/m2)
  • une incapacité à prendre sérieusement et avec rigueur des médicaments (mauvaise observance) est également considérée comme une contrindication à la greffe.

Certaines de ces maladies peuvent être traitées, stabilisées ou évoluer favorablement. Une transplantation pourra alors être envisagée.

  Les durées d’attente de greffe et les inégalités augmentent

➡️ La durée médiane d’attente (durée au bout de laquelle la moitié des patients en attente sont greffés) continue d’augmenter : la moitié des malades inscrits entre 2016 et 2017 ne sont toujours pas greffés 35,7 mois, soit près de trois ans, après leur inscription (contre 31,6 mois pour ceux inscrits entre 2012 et 2016).

➡️ Les durées médianes d’attente sont toujours très inégales selon les hôpitaux : elles varient de moins de 9 mois (8,8 mois) à Caen à presque 5 ans à l’Hôpital Foch de Suresnes (57,4 mois).

Renaloo dénonce de longue date les conditions et le défaut d’équité de la répartition des greffons rénaux en France.

  Des dialyses commencées trop tôt

➡️ Alors que les recommandations préconisent de démarrer la dialyse lorsque les reins ne fonctionnent plus qu’entre 6% et 8% de la normale (fonction rénale comprise entre 6 et 8 mL/min/1,73 m2), la moitié des patients font leur première dialyse alors que leurs reins fonctionnent encore à au moins 9,2% de la normale (en augmentation par rapport à 2017, 9 mL/min/1,73 m2).

  La dialyse autonome continue à régresser

➡️ Au total, en 2018, 46.310 patients ont été traités par hémodialyse (46.144 en 2017) et 2.959 par dialyse péritonéale (3.018 en 2017).

➡️ 77,2% des patients sont désormais en dialyse non autonome (76,5% en 2017) – centre (53,3%) ou unité de dialyse médicalisée (UDM, 23,9%), contre 70,7% en 2009.

➡️ Seulement 15,1% des patients sont en autodialyse (ATD, 15,8% en 2017), en diminution de 30% depuis 2009 (21,4%).

➡️ Seule l’hémodialyse à domicile “progresse” très faiblement, avec 1% des patients (0,9% en 2017), mais c’est au détriment de la dialyse péritonéale, qui diminue d’autant (6% des patients, contre 6,1% en 2017).

⚠️ Pour comprendre les causes de ce recul constant de la diayse autonome, voir notre article “Pourquoi l’organisation de la dialyse cherche t-elle à décourager l’autonomie des patients ?”

  Des possibilités très limitées de bénéficier de modalités de dialyse longues ou fréquentes

➡️ Environ 325 patients seulement (0,7%) sont traités en hémodialyse longue (3 fois 6 ou 7 heures par semaine, les séances pouvant avoir lieu la nuit). Ce nombre est en légère progression en valeur absolue (environ 300 en 2017), mais pas en pourcentage.

➡️ Cette modalité n’est toujours pas proposée dans plusieurs régions : Champagne-Ardenne, Aquitaine, Poitou-Charentes, Haute Normandie, la France Comté, Nord Pas de Calais, Centre-Val de Loire, Corse, ainsi que l’ensemble de l’Outre-Mer.

➡️ Moins de 250 patients en France (0,5%) sont traités en hémodialyse quotidienne à bas débit, le plus souvent à domicile.

➡️ Cette option de traitement reste totalement inaccessible en Alsace, Champagne Ardenne, Limousin, Poitou-Charentes, Midi-Pyrénées, Picardie, Centre Val de Loire, Corse.

➡️ Seulement 8% des patients en France ont des séances d’hémodialyse d’une durée strictement supérieure à 4h, dont on sait qu’elle peut apporter une meilleure qualité de traitement.

  Pas d’amélioration du pronostic ni de la survie des patients

➡️ Les probabilités de survie des nouveaux patients sous traitement de suppléance restent identiques depuis des années : un peu plus de la moitié seulement des patients (51%) sont toujours en vie au bout de 5 ans de traitement, et 32% à 10 ans. Ces survies dépendent bien entendu de l’âge des personnes ainsi que de leur état de santé.

➡️ De même, les taux de mortalité annuels n’ont pas évolué entre 2010 et 2018 : 16% environ des patients dialysés, et 2% des patients transplantés, décèdent chaque année.

L’absence d’amélioration notable indique que peu de progrès thérapeutiques sont réalisés.

➡️ Voir notre article sur l’espérance de vie en dialyse et en greffe en 2016, les chiffres étant pratiquement identiques à ceux de 2018.

  En conclusion

Publiées à l’issue de la première phase de l’épidémie Covid19, ces données confirment qu’à ce jour, aucune réforme ou intervention n’est parvenue à enrayer la dégradation de la prise en charge de l’insuffisance rénale en France, dénoncée depuis des années par Renaloo comme par de nombreuses institutions, et encore récemment par la Cour des comptes.

Près de 5 milliard d’euros sont consacrés chaque année au financement de la dialyse et de la greffe pour les 90.000 patients dont la survie en dépend, ce qui en fait une des pathologies prises en charge par l’Assurance Maladie les plus coûteuses .

En tant que patients, on peut regretter que ces montants très élevés ne soient pas mieux utilisés, pour améliorer la qualité de nos soins et de nos vies. On peut aussi regretter le défaut de régulation qui permet à ces dérives de perdurer et de s’amplifier, et redouter des décisions politiques brutales qui risquent d’aller clairement à l’encontre de nos intérêts.

On peut aussi être inquiets des effets qu’aura l’épidémie sur cette prise en charge en 2020 et au-delà : suspension pendant deux mois de l’activité de greffe rénale adulte, effets sur la santé des patients dialysés de la suppression des repas et collations, du report de nombreux actes, intervention et examens médicaux, etc.  


Cette rentrée 2020 est marquée par un rebond de l’épidémie. Prenez toutes et tous soin de vous. 

Renaloo reste plus que jamais mobilisé à vos côtés, pour vous soutenir et vous accompagner.

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