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Un demi-siècle de greffe cardiaque raconté par le Pr Norman Shumway

27 octobre 2003, Le Quotidien du Médecin

A l’occasion de sa visite à Paris, le Pr Norman Shumway, pionnier de la greffe cardiaque et cardio-pulmonaire, a fait part de l’expérience qu’il a acquise depuis les années 1950, des difficultés rencontrées et des progrès.

En préambule à l’exposé du Pr Norman Shumway à l’occasion des journées de la Pitié (Paris) sur la transplantation cardiaque, le Pr Cabrol a rappelé que « le chef de service de chirurgie cardiaque à l’hôpital de Stanford en Californie a été impliqué dans tous les volets de la discipline qui s’est développée dans la seconde moitié du XXe siècle. Il a, en effet, travaillé sur les homogreffes valvulaires aortiques, les dissections aortiques pour lesquelles il a proposé une classification simple et toujours utilisée à l’heure actuelle. C’est aussi un homme qui a su allier sciences fondamentales et avancées cliniques en travaillant sur les possibilités de conservation myocardiques par le froid et en mettant au point, avec le Dr Lower, la technique de greffe cardiaque chez des chiens dès 1961 ».

Pour le Pr Shumway, « les premiers essais de greffe cardiaque remontent à plus d’un siècle quand, à l’université de Chicago, les médecins ont greffé pour le première fois le cœur d’un jeune chiot à un chien adulte. Ce travail a ensuite été poursuivi par les Prs Alexis Carel et Charles Guthrie, qui ont mis au point la technique de suture vasculaire avec pénétration de l’intima ». La réalisation de la première greffe rénale en 1950 par le Pr Küss a contribué à conforter les Drs Peter Medawar et Lewis Thomas, deux chercheurs associés au Pr Shumway, dans leur travail sur l’approche immunologique de la technique de greffe.

La liste des prérequis

« Nous avons établi, en 1958, la liste des prérequis lors de la réalisation de la première transplantation orthotopique cardiaque : trouver une méthode chirurgicale facilement réalisable ; comprendre comment préserver un cœur dans les meilleures conditions possibles entre le moment du prélèvement et celui de la greffe ; étudier l’effet sur les performances cardiaques de l’interruption temporaire de la circulation lymphatique et de la dénervation ; comprendre les mécanismes du rejet des homogreffes et le contrôle de ce rejet ; enfin, la question du choix des donneurs restait posée. » Dès 1959, les essais de conservation par le froid des greffons se sont révélés très prometteurs et, en 1962, pour la première fois, un chien a survécu plus de sept heures après une greffe cardiaque. Après la réalisation d’une première transplantation d’un cœur de chimpanzé à un homme, en 1964 à Jacksonville, et la première homogreffe de cœur réalisée par le Pr Barnard en 1967, le Pr Shumway a mis en place le 6 janvier 1968 un programme de transplantation cardiaque en collaboration avec le Dr Stinson, un immunologiste, spécialiste des maladies infectieuses et chirurgien cardiaque à l’hôpital de Stanford.

Conflit avec les autorités sanitaires

« Mais, à cette époque, nous sommes entrés en conflit avec les autorités sanitaires locales car, jusqu’en 1973, la mort était définie en Californie comme l’arrêt du cœur et de la circulation sanguine. De ce fait, les prélèvements de greffon cardiaque étaient punis par la loi. Entre janvier 1968 et le 1er octobre 2003, 1 117 patients ont reçu une greffe cardiaque. Parmi eux, 802 ont survécu au moins un an et 200 plus de dix ans. Actuellement, 473 personnes sont suivies par notre équipe et le plus ancien des greffés a reçu son cœur depuis près de 27 ans », continue le Pr Shumway.
Les patients porteurs de cardiomyopathie ont représenté 46 % des greffés, 42 % étaient des sujets atteints de maladie coronarienne et 4 % des sujets présentaient une maladie valvulaire. L’arrivée sur le marché de la ciclosporine en 1980 a révolutionné le pronostic des sujets greffés : de 18 % de survie à cinq ans entre 1968 et 1973, ce taux est passé à plus de 70 % aujourd’hui. Le Pr Shumway a aussi travaillé dès 1981 à la greffe couplée cœur-poumon et 192 personnes ont déjà bénéficié d’une telle transplantation dans le service. La survie à un an de ces patients est actuellement de 72 % et, à cinq ans, elle est de 50 %.

Dr Isabelle CATALA

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