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Bioéthique : l’embryon au centre du débat

10 décembre 2003, Le Nouvel Observateur

Parmi les six questions abordées lors de la présentation du projet de loi sur la bioéthique mardi soir, le débat a largement été dominé par la controverse sur la recherche sur les embryons surnuméraires.

A gence de biomédecine, dons et greffes d’organes, “brevetabilité” du vivant, régime juridique de l’assistance médicale à la procréation, recherches sur les embryons, clonage: six questions majeures étaient abordées mardi soir devant les députés lors de la présentation du projet de loi sur la bioéthique.
Mais le débat a été dominé par la controverse sur la recherche sur les embryons surnuméraires, qui a souvent transcendé le clivage droite-gauche.
Comme Alain Claeys (PS) l’avait fait en fin d’après-midi, l’ancien ministre de la Recherche Roger-Gérard Schwartzenberg (PRG, app-PS) a reproché au ministre de la Santé, Jean-François Mattei, d’avoir “accepté au Sénat des amendements qui dénaturent le texte” voté en première lecture à l’Assemblée, en janvier 2002.
Alors que les députés avaient autorisé, sous condition, les recherches sur des cellules souches embryonnaires, les sénateurs ont interdit le principe de “toute recherche sur l’embryon”, autorisant toutefois pendant une période de cinq ans, “dans un cadre très strict”, des recherches sur les cellules embryonnaires lorsqu’elles sont “susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques”.

“Ce renversement de perspective constitue à nos yeux une régression”, a déclaré M. Schwartzenberg, en accusant le ministre de “pénaliser les malades” et “les chercheurs français”.

En revanche, s’élevant contre “la marchandisation de l’humain”, Noël Mamère (Verts) s’est déclaré “favorable à la solution de compromis du Sénat”, jugeant “souhaitable de restreindre la recherche sur l’embryon humain aux seuls domaines où la recherche sur l’animal aura été largement défrichée”.

“Conception utilitariste de l’embryon”

Le débat a également traversé le groupe UMP, où la liberté de vote sera de mise. Christine Boutin s’est ainsi élevée contre la “conception utilitariste de l’embryon”, alors qu’Yves Bur s’est prononcé en faveur de la recherche sur les embryons surnuméraires, qui ne font plus l’objet d’un projet parental.

Répondant aux accusations de l’opposition, le ministre a déclaré qu’il fallait “trouver la juste mesure entre (ces) critiques, qui sont excessives, et les atermoiements, et quelque fois les frilosités, qui le sont aussi”. “Dans cinq ans, nous ferons le bilan, et s’il est nécessaire de continuer, naturellement nous continuerons”, a-t-il affirmé, en rappelant qu’il s’était engagé, à l’ouverture des débats, à présenter un dispositif transitoire permettant que des recherches sur l’embryon “soient menées dès la promulgation de la loi”.

Présumé volontaire au don d’organe

L’examen des articles doit commencer mercredi après-midi, après la dernière motion de procédure du groupe PS qui sera présentée par Jean-Marie Le Guen.
Ce texte prévoit d’abord la création d’une Agence de la biomédecine qui se substituera à l’Etablissement français des greffes ainsi qu’à la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal.

Concernant le don et la greffe d’organes, la commission des affaires sociales de l’Assemblée a adopté mardi un amendement faisant du prélèvement et du don d’organes une priorité nationale.

Selon cet amendement, le régime du consentement présumé doit être renforcé. En dehors des personnes inscrites sur le registre national des refus, toute personne est présumée consentante au don d’organe. Les médecins ayant procédé à un prélèvement sur une personne décédée doivent s’assurer de la restauration décente du corps.
Le texte propose que le prélèvement soit considéré comme une activité médicale pleine et entière. Un amendement du gouvernement tend d’ailleurs à intégrer le prélèvement dans les missions de service public des établissements de santé. Il s’agit de transformer l’autorisation de prélèvement en obligation de service publique.
Pour le don du vivant, le Sénat avait déjà élargi le cercle des donneurs potentiels aux parents du 2e degré et à la personne apportant la preuve de deux ans de vie commune avec le receveur.

Devenir des enfants

Pour l’assistance médicale à la procréation (AMP), une attention toute particulière devra être apportée à “l’AMP-vigilance”, c’est-à-dire le dispositif permettant de prendre en considération le devenir des enfants conçus selon les différentes techniques de procréation. Le suivi médical de ces enfants sera renforcé. Le projet de loi clarifie également les cas dans lesquels il doit être mis fin aux activités de l’AMP.

Quant au “bébé médicament”, il ne peut être question de recourir à la procréation artificielle pour le seul intérêt thérapeutique d’autrui. En revanche, pour des parents ayant un enfant menacé de mort par une maladie génétique incurable, il est permis aujourd’hui d’avoir un autre enfant indemne grâce au diagnostic pré-implantatoire.
Dans le cadre de la recherche sur les embryons surnuméraires ne faisant plus l’objet d’un projet parental, le texte de loi stipule que la recherche sur l’embryon est interdite. Seules des dérogations très encadrées sont prévues.

Le clonage, enfin, est interdit, et devient un crime contre l’espèce humaine, passible de 30 ans de réclusion criminelle et de 7,5 millions d’euros d’amende.

Quant au clonage thérapeutique, il devient un délit passible de sept ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende.

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