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Défis sportifs Des jeux pour inciter au don d’organes

21 juillet 2003, Le Parisien

Athlétisme, badminton, bowling, cyclisme, golf, kayak et mini-raft, natation, squash, tennis, tennis de table, tir à la carabine, volley-ball : telles sont les douze disciplines dans lesquelles vont s’affronter jusqu’au 27 juillet un millier d’athlètes venus de 54 pays pour participer à Nancy (Meurthe-et-Moselle) aux 14 e s Jeux mondiaux des transplantés (JMT). Parrainée par Michel Platini, cette manifestation sportive, qui se tient pour la première fois en France, est organisée pour sensibiliser le grand public au don d’organes. Ces jeux n’accueillent donc que des personnes qui ont bénéficié de greffes d’organes vitaux (reins, coeur, foie ou moelle), âgés de 18 à plus de 60 ans : trois d’entre eux ont accepté de témoigner dans nos colonnes (lire ci-dessous) . Toutes les épreuves se déroulent selon les règlements des fédérations internationales. Au premier rang des supporters, l’acteur Larry Hagman, l’abominable JR du feuilleton ” Dallas “, lui-même greffé du foie, spécialement venu des Etats-Unis pour soutenir les athlètes dont les premiers sont arrivés samedi. Si l’artiste a pu bénéficier d’une telle transplantation, d’autres n’ont pas cette chance. En France, faute d’organes disponibles, 6 500 personnes sont actuellement sur liste d’attente pour une transplantation. Et chaque année, 200 personnes décèdent parce qu’elles n’ont pu être greffées à temps.

Gisèle, 56 ans, greffée du foie : vélo et marche

Gisèle Breuil-Bozzo, 56 ans, vivait à mille lieues de la maladie. Nageuse de haut niveau, la Marseillaise se lance à 34 ans dans le triathlon longue distance, à savoir 4 km de natation, 180 km à vélo et 42 km en courant. Elle décroche même une sélection en équipe de France en 1988 et 1989. ” Le jour de mes 45 ans, j’ai ressenti une douleur atroce au niveau du foie, j’ai cru que j’allais mourir “, se souvient Gisèle. Un virus peu connu tue son foie à petit feu. La greffe est inéluctable. La première a lieu en 1992, la seconde suite à un problème artériel est ” vécue très difficilement ” en 1996. Depuis, pourtant, Gisèle vit normalement. Tous les jours, sans exception, matin et soir, elle ” prie pour les deux donneurs inconnus ” : ” Je leur parle, je les remercie de m’avoir permis de voir grandir mon fils qui a 20 ans aujourd’hui. ” Elle a appris à ” déguster chaque instant “. Elle ne parle jamais de ses opérations sauf ” pour encourager le don d’organe “. Car elle sait que pour des milliers de malades à travers le monde, l’alternative est simple : ” Un organe ou la mort. ”

Mark, 41 ans, greffé du coeur : épreuve du 100 mètres

A 41 ans, Mark Heitner était un Canadien pressé. Marié, père de quatre enfants, il dirigeait une manufacture de vêtements au centre de Montréal : ” Je vivais à 100 à l’heure, j’étais toujours en état de stress. ” Un jour, au volant de sa voiture, une douleur fulgurante le saisit à la poitrine : ” Mon bras gauche était paralysé, je n’avais plus de force, je l’ai rattrapé avec ma main droite, j’ai failli provoquer un accident. ” Mark fait une attaque cardiaque. Son coeur est sorti très affaibli de l’épreuve : ” Pendant quatre ans, je pouvais tout juste marcher. ” Son existence part en vrille, il divorce et sa société ne se relève pas de ses difficultés de santé. En décembre 1996, un médecin annonce que ses jours sont comptés et qu’il a besoin d’un nouveau coeur. Il l’inscrit sur une longue liste d’attente. En août 1996, Mark est hospitalisé quand il apprend qu’une greffe est envisageable : ” Je me déplaçais alors avec difficulté. Pourtant, ce jour-là, j’ai arpenté tous les couloirs de la clinique de long en large, impatiemment. ” Une semaine après l’opération, Mark est de retour chez lui : ” Je sais que le donneur est un homme jeune, plus grand que moi. Je n’en sais pas plus. Mais à chacun de mes anniversaires, j’ai une petite pensée pour celui qui m’a redonné la vie. ” Mark n’a pas encore repris ses affaires. Il prend son temps.

Florence, 19 ans, greffée du foie : épreuve de natation

” J’ai subi une greffe du foie à l’âge de 4 ans, ma mémoire ne me porte pas jusque-là. Je ne me souviens plus de rien. ” Florence Corcuff, domiciliée à Quimper (Finistère), a aujourd’hui 19 ans : ” J’ai conservé une grande cicatrice sur le ventre. Mon problème c’est toujours le regard des autres. ” Sa famille a été durablement marquée par l’épreuve : ” Mes deux frères avaient 6 et 10 ans à l’époque, ils ne comprenaient pas pourquoi mes parents s’intéressaient à moi plus qu’à eux. Ils se sont élevés seuls, le problème n’est pas encore réglé surtout avec mon frère cadet. ” Florence, nageuse émérite, a toujours vécu normalement à l’exception d’un régime sans sucre et sans sel et de médicaments qu’elle doit ” prendre tous les jours et pendant toute la vie “. Dans son lycée, les jeunes de son âge sont totalement hermétiques au problème du don d’organe : ” Tant qu’on n’est pas touché par un problème, on ne s’en préoccupe pas. ” Ses parents se sont battus pour elle. Elle leur en sera toujours reconnaissante : ” Surtout ma mère. C’est à elle que je dois tout. Notre relation est très forte. Je suis là pour elle. ”

Pierre Roeder

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