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La progression des maladies rénales, un enjeu majeur de santé publique

30 septembre 2003, Le Quotidien du Médecin

5e Réunion commune de la Société de néphrologie et de la Société francophone de dialyse. Nancy, 30 sept.-3 oct. 2003.

Environ 11 % de la population générale a une atteinte rénale. L’insuffisance rénale et la protéinurie sont parmi les prédicteurs les plus puissants de morbi-mortalité cardio-vasculaire. De nombreux essais d’intervention ont démontré qu’il est possible de ralentir ou d’empêcher la progression de l’insuffisance rénale.

Le risque de progression vers l’insuffisance rénale terminale augmente avec la pression artérielle systolique(Photo S Toubon/”le Quotidien”)

Contrairement à une opinion répandue, les maladies rénales ne sont pas des affections rares. Les dialysés et transplantés ne représentent qu’une très faible fraction, spectaculaire, des patients ayant une atteinte rénale. Les DOQI américains (Dialysis Outcomes Quality Initiative de la National Kidney Foundation) et, plus récemment, l’ANAES ont recommandé le recours systématique à la clairance de la créatinine calculée selon la formule de Cockcroft pour le dépistage de l’insuffisance rénale (IR) et la quantification de la fonction rénale en pratique quotidienne. En appliquant ces recommandations, environ 11 % de la population générale a une atteinte rénale. Cette prévalence augmente fortement avec l’âge, mais aussi avec la présence d’un diabète ou d’une hypertension artérielle.

Le dépistage de l’IR est devenu un enjeu de santé publique, d’autant que de nombreux essais thérapeutiques d’intervention ont démontré la possibilité de ralentir, voire d’empêcher, la progression de la maladie vers les stades les plus ultimes. Ces essais ont aussi mis en évidence un excès de risque cardio-vasculaire dans ces populations : l’IR, même débutante, et la protéinurie sont parmi les plus puissants prédicteurs de morbi-mortalité cardio-vasculaire.

Atteinte rénale et risque cardio-vasculaire

L’étude HOPE (Heart Outcomes Prevention Evaluation) a cherché à évaluer les effets de l’adjonction d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) à un traitement antihypertenseur conventionnel sur la morbi-mortalité cardio-vasculaire de patients normo- ou hypertendus, mais ayant un risque cardio-vasculaire élevé. Chez les patients présentant une IR modérée, le risque cardio-vasculaire a augmenté proportionnellement à la réduction de la fonction rénale. Le traitement par IEC a apporté un bénéfice cardio-vasculaire très net, comme chez les patients sans atteinte rénale. On peut raisonnablement en déduire que tous les patients ayant une néphropathie et des complications cardio-vasculaires patentes devraient être traités par un IEC, après exclusion d’une hypertension réno-vasculaire ou d’une néphropathie ischémique. Ils devraient probablement être « ciblés » pour bénéficier d’interventions plus intensives.
Le risque de progression de l’IR vers la dialyse-transplantation est maintenant mieux identifié. Les principaux facteurs de progression sont l’HTA et, surtout, l’abondance de la protéinurie, sans effet de seuil.

Dans une métaanalyse récente, T.H. Jafar a regroupé onze grands essais qui ont comparé l’effet des IEC et d’un traitement conventionnel sur la progression des maladies rénales. Il a montré que le risque d’IR terminale augmente avec l’augmentation de la pression artérielle systolique et de protéinurie. L’effet bénéfique des IEC n’est que partiellement dépendant de la réduction tensionnelle, mais dépend fortement de la réduction de la protéinurie. Le bénéfice individuel du traitement IEC est très important chez les malades très protéinuriques, même en cas de protéinurie résiduelle. Cependant, en termes de santé publique, le bénéfice des IEC est important chez les patients ayant une protéinurie modérée, car ces malades sont les plus nombreux et ils contribuent au nombre total d’IR terminales.

Diabète de type 2 : on peut retarder l’insuffisance rénale

 

La néphropathie associée au diabète de type 2 est devenue la première cause mondiale d’IR terminale (elle représente 25 à 50 % des cas de mise en dialyse dans les pays occidentaux). Son incidence progresse très rapidement. Les causes de cette explosion épidémiologique sont multiples : augmentation de la prévalence du diabète et de l’obésité dans la population générale, mais aussi, paradoxalement, amélioration de la mortalité cardio-vasculaire dans ces populations très exposées (peut-être grâce à l’utilisation plus large des statines).

Contrôler la pression artérielle est essentiel

Bien que les complications diabétiques soient très dépendantes d’un médiocre contrôle glycémique au fil des années, l’étude britannique UKPDS a montré que c’est surtout la réduction stricte de la pression artérielle qui ralentit et prévient les complications diabétiques liées à la microangiopathie (au niveau de l’?il et du rein).
Deux grandes études randomisées contrôlées, l’étude RENAAL (Reduction of End-points in NIDDM with Angiotensin 2 Antagonist Losartan) et l’étude IDNT (Irbesartan in Diabetic Nephropathy Trial), ont pour la première fois démontré la possibilité d’influer sur le cours de l’atteinte rénale des diabétiques de type 2 par des interventions non métaboliques. La réduction du risque d’IR terminale est de 35 % avec un traitement par un antagoniste du récepteur de l’angiotensine 2 (ARA2) à un niveau tensionnel équivalent à celui obtenu par un traitement antihypertenseur « conventionnel » (sans IEC ni ARA2).
Ainsi, les essais cliniques d’intervention visant à ralentir la progression des maladies rénales réalisés au cours des dernières années ont permis de valider le concept d’autoaggravation des néphropathies dépendant de l’hémodynamique et/ou de la protéinurie. Ils ont également confirmé l’efficacité du blocage du système rénine-angiotensine.

Dr Gérard BOZET

D’après un entretien avec le Pr Thierry Hannedouche, hôpitaux universitaires de Strasbourg.

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