Actualités

Dépister et traiter la néphropathie à IgA primitive (maladie de Berger)

30 septembre 2003, Le Quotidien du Médecin

5e Réunion commune de la Société de néphrologie et de la Société francophone de dialyse. Nancy, 30 sept.-3 oct. 2003.

La néphropathie à IgA est responsable de 10 % des nouveaux cas annuels d’insuffisance rénale chronique terminale nécessitant la dialyse. C’est donc une pathologie relativement fréquente qu’il convient de diagnostiquer le plus précocement possible, d’autant que, contrairement à certaines idées reçues, elle peut et doit être traitée. La corticothérapie et le contrôle de l’HTA et de la protéinurie par un IEC ou un antagoniste de l’angiotensine 2 améliorent le pronostic.

L’incidence annuelle de la néphropathie à IgA primitive, ou maladie de Berger, est estimée entre 35 et 40 cas par million d’habitants. C’est la plus fréquente des maladies glomérulaires dans les différentes régions du monde. Sa prévalence est de l’ordre de 800 à 1 000 cas par million d’habitants. Elle touche toutes les tranches d’âge avec néanmoins un pic de fréquence entre 20 et 30 ans et une nette prédominance masculine (70 à 75 %). Elle est responsable de 10 % des nouveaux cas d’IRC terminale nécessitant une dialyse. Ainsi, chaque année, en France, 660 patients atteints de néphropathie à IgA entrent en dialyse.

Il semble qu’il existe une prédisposition génétique (voir encadré), mais le facteur déclenchant est le plus souvent infectieux, soit bactérien, soit viral. L’épisode infectieux n’est pas spécifique. Il peut s’agir d’une bronchite, d’une sinusite, d’une gastro-entérite… Le principal symptôme, l’hématurie macroscopique, associée ou non à une protéinurie, apparaît au cours de l’épisode fébrile (intra-infectieuse). Cette hématurie macroscopique transitoire (2 à 3 jours) avec des urines marrons sans caillots est présente dans 30 à 40 % des cas ; certains patients présentent des hématuries macroscopiques à répétition, lors de chaque épisode infectieux, très évocateur du diagnostic.
La découverte fortuite d’une hématurie microscopique et/ou d’une protéinurie à la bandelette au cours d’un examen systématique est actuellement moins fréquente, car la médecine préventive (scolaire, militaire, universitaire, du travail) est moins active que dans le passé. C’est dans un certain nombre de cas devant une hypertension artérielle, et/ou une insuffisance rénale chronique, complications de la néphropathie, que le diagnostic est fait.

Le diagnostic repose sur la biopsie rénale qui reste indispensable. Les lésions en immunofluorescence sont caractérisées par des dépôts granuleux, diffus et généralisés d’IgA dans le mésangium (intercapillaire) ; tous les glomérules sont touchés et l’ensemble du glomérule est atteint. On retrouve d’autres dépôts, notamment de C3 et d’autres immunoglobulines (IgG ou IgM), mais les dépôts d’IgA sont prédominants.
Le pronostic est difficile à déterminer car c’est une maladie qui évolue longtemps à bas bruit et dont la date de début est souvent imprécise (découverte systématique). On connaît néanmoins les facteurs de risque prédictifs d’une évolution défavorable vers l’IRC, puis l’IRCT :

  • l’apparition d’une HTA ;
  • une protéinurie supérieure à 1 g/j ;
  • un score élevé à la biopsie rénale : on évalue de façon quantitative, en microscopie optique, les lésions glomérulaires, tubulaires, interstitielles et vasculaires ; une échelle permet ensuite d’établir un score entre 0 et 20. A partir de 9, on considère qu’il s’agit d’une atteinte sévère ;
  • le surpoids est aussi un facteur de risque indépendant ;
  • l’épaisseur des membranes basales glomérulaires en microscopie électronique. Ainsi, les membranes fines (30 % des cas environ) constituent un facteur de protection.

Au bout de 20 ans d’évolution, 50 % des patients ont développé une insuffisance rénale chronique (filtration glomérulaire < 60 ml/min calculée par la formule de Cockroft) et 20 % d’entre eux sont déjà traités par dialyse et/ou transplantation.

L’efficacité de la corticothérapie est démontrée

Le traitement comprend le contrôle des facteurs de risque ; l’un des principaux objectifs est de normaliser la pression artérielle et de contrôler la protéinurie. Les médicaments de choix sont les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes de l’angiotensine 2 (AIIA) car ils sont antihypertenseurs et protecteurs rénaux. En cas de surpoids, il faut également tenter d’obtenir un amaigrissement significatif.

Mais le traitement n’est pas limité à la prise en charge des facteurs de mauvais pronostic. Contrairement à certaines idées reçues, la néphropathie à IgA peut et doit être traitée : la corticothérapie a fait la preuve de son efficacité. Les patients qui ont une maladie sévère, c’est-à-dire un score supérieur ou égal à 9, doivent recevoir, pendant environ trois mois, de fortes doses de corticoïdes, les posologies sont ensuite diminuées progressivement. Une corticothérapie de plusieurs mois diminue de façon significative le risque d’évolution vers une IRC.
Par ailleurs, deux études ont mis en évidence l’efficacité des huiles de poisson ; Les omégas 3 permettraient de réduire la protéinurie et de diminuer le risque évolutif, mais ces essais n’ont pas été confirmés et leur intérêt reste aujourd’hui controversé.

La néphropathie à IgA n’est pas une contre-indication à la greffe, malgré un risque de récidive histologique d’environ 50 %. En effet, on observe peu de récidives cliniques et les résultats de la transplantation, en termes de survie des malades et des greffons, sont bons.

Dr Marine JORAS

D’après un entretien avec le Pr François Berthoux, Saint-Etienne

Partagez

Plus de lecture

Répondre

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *