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IRC préterminale : plaidoyer en faveur des réseaux de soins

Le Pr Maurice Laville (hôpital Edouard-Herriot, Lyon) est le créateur du premier réseau français de prise en charge globale de l’insuffisance rénale préterminale, si l’on retient le caractère exhaustif des services rendus aux patients. Du récit de cette entreprise, nous avons volontairement gommé les décourageantes vicissitudes administratives pour mieux souligner son éclatant intérêt de santé publique.

Brisons immédiatement le suspens. A la question : La création d’un réseau de soins visant à dépister et à organiser la prise en charge de l’insuffisance rénale préterminale est-elle utile en termes de santé publique pour sa population cible et rentable en termes de dépenses de santé par patient par rapport à un autre malade hors réseau ?, la réponse est incontestablement et doublement oui. Si personne aujourd’hui n’en disconvient plus, il semble cependant utile de rappeler pourquoi.

L’insuffisance rénale préterminale est une pathologie qui nécessite, dans tous les cas, une prise en charge multidisciplinaire. Le réseau de soins, qui joue avant tout en faveur de l’amélioration de l’échange d’information au sein d’un groupe d’acteurs de santé, peut apparaître comme une spécialisation, une optimisation, une synchronisation des structures informelles déjà en place. Or l’enjeu, en l’occurrence, est bien de gagner en efficacité et donc en rapidité d’intervention, puisque l’on sait aujourd’hui que l’insuffisance rénale n’évolue pas de façon inexorable vers la dialyse, pour peu qu’elle soit reconnue et traitée à temps. Les grands essais ont montré qu’il était possible de diminuer de 30 à 50 % la vitesse de progression vers l’insuffisance rénale terminale et que, ainsi, par exemple, six ans de traitement par un inhibiteur de l’enzyme de conversion permettaient de gagner trois ans de dialyse. Les diabétiques de type 2 traités par un inhibiteur de l’angiotensine 2 voient leur vitesse d’évolution vers l’insuffisance rénale réduite de près d’un tiers et on a également démontré qu’il était possible de stopper, voire de faire régresser l’atteinte rénale d’un diabétique correctement et globalement pris en charge. Les concepts à cet égard ont donc largement évolué durant les dix dernières années. Voilà pour le versant dépistage et « prévention ».

Mais il en est de même pour ce qui concerne le traitement de l’ensemble des comorbidités, notamment cardio-vasculaires, qui finissent par emporter le patient. Et précisément, le réseau de soins, par la diversité des acteurs qu’il réunit, permet également de mieux prévenir l’apparition de complications cardio-vasculaires, métaboliques, phosphocalciques et nutritionnelles, de mieux informer et éduquer le malade qui devra finalement avoir recours à une forme ou l’autre d’épuration extrarénale.

Le passage en dialyse ne représente plus une rupture brutale survenant dans la vie professionnelle d’un insuffisant rénal avec lequel on aura pris le temps de discuter des diverses méthodes disponibles, de préparer un abord vasculaire, de poser un cathéter de DP, de finaliser une vaccination contre l’hépatite B, etc. Au total, le séjour hospitalier pour le passage en dialyse est réduit au minimum, le patient peut se diriger directement vers des méthodes d’épuration autonomes, donc moins coûteuses…

Il a fallu cinq ans au Pr Maurice Laville, qui n’a pourtant pas ménagé ses efforts, pour mettre sur pied un réseau de ce type. Des milliers de pages de dossiers soumises aux autorités de tutelle, elles-mêmes « bouleversées » à l’époque par les nouvelles dispositions réglementaires sur la régionalisation des réseaux, la collaboration d’un cabinet de conseil, la recherche de financements institutionnels et privés, ont été nécessaires pour donner vie au réseau TIRCEL (Traitement de l’insuffisance rénale chronique dans l’Est-Lyonnais).

Un réseau au coeur du réseau

Son objectif est de réunir les 1 400 professionnels de santé – néphrologues, biologistes, médecins généralistes, infirmières libérales, diététiciennes, assistantes sociales – ciblés au sein d’un bassin de population d’un million deux cent mille personnes ! En pratique, 150 sont actuellement adhérents, car les opérations d’adhésion formelle n’ont commencé qu’à l’agrément du réseau en 2002. De tels effectifs rendent nécessaire l’existence d’une structure opérationnelle de coordination, interprofessionnelle, actuellement animée pour TIRCEL par un cadre infirmier et une secrétaire, toutes deux à temps plein.

Aujourd’hui, TIRCEL est « matérialisé » par un site Internet qui héberge le dossier des patients, chaque professionnel ayant la possibilité, après identification, de renseigner le dossier en cours. Tout autre intervenant bénéficie ainsi immédiatement de l’information la plus récente concernant un patient donné. C’est ce coeur informatique qui, en produisant en temps réel les statistiques de fonctionnement du réseau, permet en outre de fournir un rapport d’activité précis aux organismes financeurs. TIRCEL propose également des séances d’information collectives – les professionnels répondent aux questions des malades – et prend en charge le paiement de prestations hors nomenclature, telles que la consultation chez la diététicienne libérale ou les gestes de ponction/déponction de l’hémodialysé à domicile.

Et à ceux qui doutent encore de l’intérêt des réseaux pour la prise en charge de l’insuffisance rénale préterminale, rappelons que, dans le cas de TIRCEL, gagner trois mois de dialyse chez la moitié des patients inclus revient à rentabiliser les frais de fonctionnement annuel de l’ensemble du dispositif…

Dr J. A.

D’après un entretien avec le Pr Maurice Laville, hôpital Edouard-Herriot à Lyon.

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