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Jacques Petit : Le don du don

26 décembre 2002, l’Express

Ce chirurgien n’est pas seulement l’un des meilleurs spécialistes de la transplantation rénale. Il sait aussi, mieux que personne, parler du don d’organe, de la vie et de la mort

Jacques Petit assiste au réveil de ses patients après chaque opération. Et leur pose invariablement la même question: «Etes-vous content?» Un sourire du malade, un acquiescement, un revers de la main qui balaie la souffrance endurée: «J’ai passé l’âge, mais ça me touche à chaque fois…» avoue le chirurgien.

Chef du service d’urologie à l’hôpital d’Amiens, professeur à la faculté de médecine, Jacques Petit, 56 ans, pratique la transplantation rénale depuis vingt-quatre ans, «surspécialisation» acquise en 1978 à la Pitié-Salpêtrière, auprès du Pr Küss, l’un des pionniers de la technique. Après une première opération réussie, le 5 avril 1989, au sein du service qu’il a créé au CHU d’Amiens, il assure, seul, pendant cinq ans, toutes les interventions et toutes les gardes. «C’est une chirurgie lourde et une activité difficile, souvent nocturne», explique-t-il. Une activité gratifiante aussi. Cet homme réservé, à l’élocution lente et posée, est encore ému par nombre de souvenirs: son premier patient (opéré à Paris, mais amiénois), toujours en vie après vingt-quatre ans de greffe; son premier «transplanté» au CHU d’Amiens, voilà treize ans, qui n’a connu depuis aucune complication chirurgicale; des lettres de remerciements qu’il conserve, souvent adressées par les familles de donneurs décédés.

«J’essaie de faire comprendre aux gens que savoir recevoir, c’est aussi savoir donner»

Le service du Pr Petit vient de pratiquer sa 500e greffe. L’équipe réalise aujourd’hui une cinquantaine de transplantations par an, atteignant en 2000 la 11e place du classement régional de l’Etablissement français des greffes. La pénurie d’organes reste cependant préoccupante. 2 000 individus souffrant d’une insuffisance rénale sont opérés chaque année en France, mais 5 000 demeurent en attente. Les prélèvements sont à 95% effectués sur des personnes en situation de mort cérébrale, ce qui représente à peine 0,5% des décès. En l’absence de refus clairement exprimé, le défunt est réputé consentant au don de ses organes. Mais, la plupart du temps, ce sont les familles qui s’opposent à l’intervention, et les praticiens préfèrent renoncer.

Selon Jacques Petit, il faut commencer par «mobiliser les vivants». Se définissant lui-même comme «un technicien, un manuel», sa retenue laisse place à un enthousiasme passionné dès qu’il s’agit de communiquer. «Prêchant la bonne parole partout où on le demande», il multiplie les conférences pour expliquer ce qu’est le don d’organes, et surtout parler de la mort. «J’essaie de faire comprendre aux gens que savoir recevoir, c’est aussi savoir donner, martèle-t-il. Leur dire qu’ils peuvent devenir des “donneurs”, mais aussi des “receveurs” potentiels. La mort, ça ne concerne pas toujours les autres.» La technicité des prélèvements pose également souvent problème. Les petites structures hospitalières n’ont pas toujours les moyens d’assurer les interventions ou les transferts. Depuis un an, Jacques Petit travaille donc à la mise au point, pour 2003, d’une équipe médicale mobile qui irait prélever les reins sur place.

La pénurie d’organes, mais aussi les bons résultats obtenus en matière de transplantation, seront au centre d’une manifestation organisée à l’hôpital d’Amiens par le professeur le 5 avril 2003, date anniversaire de la première opération. Elle réunira les 500 patients greffés par le service d’urologie, ainsi que toutes les équipes hospitalières qui les ont côtoyés. Un arbre sera planté pour l’occasion en souvenir des donneurs. Une pensée pour eux, c’est aussi ce que Jacques Petit demande toujours aux malades qu’il opère.

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