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Transplantation rénale avec donneur vivant : la France à la traîne

La greffe rénale à partir d’un donneur vivant est aujourd’hui une pratique éthiquement acceptable et très développée dans certains pays.

Elle touche non seulement des patients atteints d’une défaillance irréversible d’un organe, mais également des personnes en bonne santé qui sont volontaires pour donner et dont les intérêts doivent être protégés.

LES PREMIÈRES GREFFES rénales avec donneurs vivants ont été réalisées à Paris il y a plus de cinquante ans.

Jusqu’à la fin des années 1950, elles furent réservées aux jumeaux vrais ; puis les travaux de Roy Calne et Thomas Starzl, qui montrèrent l’efficacité de l’association corticoïdes-azathioprine, permirent le développement de la greffe à partir d’un donneur décédé.

Les greffes à partir de donneurs vivants se sont alors développées de façon très différente selon les pays en fonction de choix politiques et culturels et du degré de pénurie d’organes. En France, de 1959 au 31 décembre 2007, 2 831 transplantations rénales ont été réalisées à partir de donneurs vivants. Depuis 1996, le taux a augmenté régulièrement pour atteindre le chiffre historique de 9 % des greffes rénales en 2006, mais cette progression s’est arrêtée en 2007 où le taux est retombé à 8 %. Ce taux n’est guère différent pour les enfants de moins de 16 ans où il n’est que de 10 % en 2007.

L’activité de greffes rénales à partir de donneurs vivants n’est pas comparable d’une équipe à l’autre. Parmi les 36 équipes de transplantation rénale adulte, 5 n’ont fait aucune greffe avec donneur vivant en 2007, 14 en ont réalisé moins de 5 et, pour 8 équipes seulement, elles représentent plus de 10 % des greffes effectuées dans l’année. Le donneur est majoritairement un ascendant (41,7 %) suivi par un frère ou une sœur (31,4 %), la part des conjoints restant mineure (20,8 % en 2007).

La France est avec l’Espagne l’un des pays industrialisé où la part de la greffe avec donneur vivant est la plus faible.

La situation internationale hétérogène.

La situation aux États-Unis est intéressante à analyser car le nombre de greffes rénales avec donneusr vivants apparentés a augmenté de 3 224 en 1997 à 4 349 en 2001 (5). Depuis, il diminue régulièrement pour atteindre 3 952 en 2006. Le nombre de greffes rénales à partir de donneurs non apparentés a également augmenté depuis 1997 passant de 655 à 2 312 en 2006, mais il apparaît une stagnation depuis deux ans. En 2007, le nombre total de greffes avec donneurs vivants était de 6 037, soit 36,4 % de toutes les greffes rénales réalisées.

L’activité au sein d’Eurotransplant (Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Autriche et Slovénie) augmente régulièrement depuis 1997 et représente 21,8 % de toutes les greffes rénales en 2007, mais elle est très hétérogène : une seule greffe rénale avec donneur vivant en 2007 en Slovénie, 43 % des greffes aux Pays-Bas, 19 % en Allemagne, 16 % en Autriche et 8 % en Belgique.

En Suisse, les greffes à partir de donneurs vivants représentaient 38 % des greffes rénales en 2007. Leur nombre évolue peu depuis 2003 alors que le nombre de greffes cadavériques a tendance à diminuer.

Dans Scandia Transplant, les greffes à partir de donneurs vivants représentaient en 2006 28,8 % des greffes rénales avec des taux variant de 40 % en Suède et 38 % en Norvège à 28 % au Danemark et 1,4 % en Finlande.

On peut se demander pourquoi une si faible activité en France dans un contexte international, il est vrai, très hétérogène.

Du point de vue médical, la qualité des résultats obtenus plaide en faveur de la greffe à partir d’un donneur vivant.

La raison n’est probablement pas culturelle car les Français, lorsqu’on les interroge, sont massivement favorables au don de leur vivant.

Elle n’est pas financière dans un pays où la totalité de la procédure est prise en charge.

Elle n’est pas politique puisqu’il existe dans notre pays des dispositions législatives et règlementaires dont l’objectif est de favoriser le développement de la greffe rénale à partir de donneurs vivants en offrant des gages de sécurité pour les donneurs et des gages de transparence pour la société.

Les raisons qui expliquent pourquoi, quatre ans après la révision des lois de bioéthique, cette activité représente moins de 10 % des greffes rénales sont probablement liées à une insuffisance d’information des receveurs potentiels et de leurs proches et à des convictions contradictoires parmi les responsables des équipes de transplantation rénale.

Par ailleurs, l’absence de reconnaissance institutionnelle de la charge de travail supplémentaire importante que représentent la préparation et l’accompagnement des donneurs est aussi un frein.

Pour toutes ces raisons, l’Agence de la biomédecine a initié, en partenariat avec différentes sociétés savantes dont la Société de néphrologie et la Société francophone de transplantation la rédaction de recommandations formalisées d’experts sur le donneur vivant en transplantation rénale et hépatique.

 

PAR LE Pr MICHÈLE KESSLER*

* Responsable de l’unité de transplantation rénale du CHU de Nancy.

 

 

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