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Les grands axes de développement de l’Agence de Biomédecine

La directrice générale de l’Agence de Biomédecine, Emmanuelle Prada-Bordenave expose sa stratégie pour développer l’activité de greffe dans les années à venir.

LES JOURNÉES ANNUELLES de l’Agence de la biomédecine, les 14 et 15 décembre à Paris, seront l’occasion de rendre publics les résultats préliminaires d’une vaste étude conduite à partir du Réseau épidémiologique et information en néphrologie, REIN. « Il s’agit d’une étude importante sur l’accès des patients à la liste nationale d’attente en vue d’une greffe rénale », indique Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice générale de l’Agence. « À partir du registre REIN, nous avons pu améliorer notre connaissance des besoins en greffe rénale. Nous avons notamment pu observer que les délais d’inscription étaient très variables d’une région à l’autre. Pour un taux moyen d’une cinquantaine de nouveaux inscrits par liste, nous avons des différences de 35 à 80 inscrits selon les endroits. Nous avons donc lancé cette étude pour analyser les déterminants médicaux et non-médicaux expliquant ces inégalités », explique Emmanuelle Prada-Bordenave.

En matière d’activité de greffe, la France occupe une position relativement satisfaisante en Europe. « Pour les prélèvements, on a un taux de recensement des donneurs potentiels (en état de mort encéphalique) de 50 par million d’habitants. C’est un bon chiffre au niveau européen, qui reste toutefois inférieur à celui de l’Espagne (54 par million d’habitants). Notre taux de prélèvement est de 24,6 par million d’habitants, ce qui nous place loin devant l’Angleterre (13) et l’Allemagne (15) mais encore derrière l’Espagne (autour de 30). Mais il faut noter que certaines régions sont au-dessus du taux espagnol, par exemple la Bretagne ou la Vendée où l’on observe des taux de 34 par million d’habitants », indique Emmanuelle Prada-Bordenave.

Pour faire face à la pénurie de greffons, l’Agence agit dans plusieurs directions. Une première action porte sur le développement des greffes chez des receveurs âgés. « Aujourd’hui, nous avons des donneurs de plus en plus âgés. Cette année, l’âge moyen est de 52 ans mais nous pouvons aller au-delà. Nous pouvons prélever des reins chez des personnes ayant 65 ou 70 ans. Le problème, ensuite, est qu’il est difficile de proposer ces reins à des sujets jeunes. En revanche, il est tout à fait possible de les utiliser pour des sujets âgés mais encore faut-il qu’ils soient inscrits sur les listes d’attente », indique la directrice générale de l’Agence, en soulignant la nécessité d’engager une réflexion avec les néphrologues sur l’accès à la greffe de ces patients âgés. Dans cette perspective, l’Agence a mis en place un programme « bi-greffe » pour développer la greffe de deux reins chez des sujets âgés. C’est une solution quand chaque rein, à lui seul, n’est pas suffisamment fonctionnel ».

L’Agence souhaite aussi développer les machines à perfusion, qui permettent de limiter la durée d’ischémie et de préserver la qualité du greffon. Avec une autorisation de l’Agence française de sécurité des produits de santé (Afssaps), l’Agence de biomédecine conduit également un programme de greffe dérogatoire pour des prélèvements réalisés sur des donneurs, porteurs de marqueurs des hépatites B et C. « Il s’agit de patients qui ont fait une maladie hépatique et ont conservé des marqueurs sérologiques. Les reins, prélevés chez ces patients, peuvent être greffés chez des receveurs eux-mêmes atteints de ce type de pathologie », indique Emmanuelle Prada-Bordenave, en précisant que ce protocole dérogatoire a déjà permis de réaliser 412 greffes supplémentaires.

Enfin, Emmanuelle Prada-Bordenave cite deux autres axes majeurs de développement. Le premier vise à augmenter l’activité de prélèvement sur des donneurs décédés d’un arrêt cardiaque. « Un protocole rédigé en 2006 par l’Agence a été mis en œuvre en 2007 et a permis, cette année-là, la réalisation de 34 greffes. En 2008, nous sommes passés à 53 greffes et au cours du premier semestre 2009, 44 greffes ont été réalisées à partir de donneurs décédés d’un arrêt cardiaque », souligne la directrice générale de l’Agence, tout en reconnaissant que cette activité de prélèvement est plutôt contraignante pour les équipes. « Les contraintes sont notamment liées aux délais de prélèvement qui sont particulièrement courts (pas plus de 150 minutes). Mais il s’agit d’une source de greffons très important qu’il convient de développer encore davantage ».

Le deuxième axe, privilégié par l’Agence, concerne l’activité de greffes à partir de donneurs vivants. « Tous les pays voisins du nôtre ont des taux d’environ 20 % de greffes à partir des prélèvements sur des donneurs vivants. En France, on était monté jusqu’à 9 % avant de redescendre à 7 %. Nous avons bien sûr essayé d’analyser les causes de cette faiblesse. Une première explication est une certaine réticence des équipes à porter atteinte à une personne en bonne santé. C’est également une procédure assez lourde car il faut faire un bilan très complet du donneur. Je pense aussi qu’il y un problème d’information des familles et également, en amont, des médecins : pas uniquement des néphrologues mais aussi les généralistes qui ne mesurent peut-être pas toutes les opportunités offertes par ces greffes à partir de donneurs vivants », indique Emmanuelle Prada-Bordenave.

Cette dernière ajoute que ce type de greffes présente de nombreux avantages. « D’abord, le pronostic fonctionnel est très bon. Il faut aussi prendre en compte que cette greffe permet une réelle amélioration de la vie du malade mais aussi du conjoint. En permettant une réalisation plus rapide de la greffe et en réduisant ainsi la durée d’attente en dialyse, c’est toute la vie du couple qui va s’en trouver changée. De nombreux conjoints, ayant fait un don, témoignent en ce sens », indique Emmanuelle Prada-Bordenave.

En conclusion, cette dernière cite quelques chiffres issus du Réseau REIN. « Au 31 décembre 2007, on recensait 35 500 personnes traitées en dialyse en France ainsi que 29 500 personnes porteuses d’un greffon rénal fonctionnel. On peut aussi relever que nous faisons face à une augmentation des malades en dialyse ou en greffe de 4 % par an. Enfin, on constate que deux personnes sur cinq en dialyse ont un diabète associé ».

› Antoine Dalat, d’après un entretien avec Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice générale de l’Agence de la biomédecine.

Le Quotidien du Médecin

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