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L’activité de greffe rénale peut-elle vraiment reprendre à la Réunion ?

L’activité de greffe rénale peut-elle vraiment reprendre à la Réunion ?

Depuis septembre 2010, l’activité de transplantation rénale a été suspendue à la Réunion, seul département d’Outre-Mer à pratiquer ce type d’activité. L’Agence régionale de santé de l’Océan Indien (ARS-OI) avait été conduite à prendre cette décision après la mise en évidence de graves dysfonctionnements. L’absence de respect des différents protocoles, le manque de qualification des chirurgiens et des anomalies concernant la surveillance post-opératoire avaient notamment alerté les autorités sanitaires, d’autant plus que ces différentes défaillances paraissaient être à l’origine de conséquences graves pour les patients.

La presse locale et nationale s’était en effet fait l’écho de plusieurs cas suspects et inquiétants. L’accent avait ainsi été mis sur la mort d’un jeune homme de 27 ans peu après son transfert dans un autre centre hospitalier, alors que les protocoles imposent que les transplantés soient suivis au CHU Bellepierre. Puis, il avait été révélé qu’un patient âgé de 50 ans n’avait pas été opéré par un chirurgien habilité. Le praticien censé pratiquer l’intervention s’était en effet déclaré « trop fatigué ». Si le décès du patient pendant l’intervention, victime d’un syndrome hémorragique, ne semblait pas directement lié à ce remplacement inopportun, il mettait néanmoins en évidence de sérieux problèmes organisationnels.

Ces différents drames et dysfonctionnements semblaient cependant devoir être oubliés. D’importants efforts de restructuration auraient en effet été entrepris au sein du CHU Bellepierre. « L’hôpital s’est engagé depuis plusieurs mois dans un travail important de réorganisation de la filière de soins, dans l’écriture de protocoles et dans le recrutement complémentaire de praticiens hospitaliers spécialisés. Ces actions se sont traduites dans la présentation d’un dossier de qualité, permettant d’envisager une reprise de la greffe rénale adulte au cours du second semestre 2011 » avait en effet estimé en juin dernier l’ARS. Le feu vert définitif devait être donné en novembre.

Cependant, certains faits continuent à jeter un doute sur l’organisation de cette activité au sein de l’établissement.

Depuis septembre 2010, les patients en attente d’une greffe sur l’île de la Réunion, sont, lorsqu’un greffon compatible est trouvé, envoyé en urgence à Lyon. Les patients sont acheminés en métropole avec l’organe prélevé sur l’île. Or, cette activité de prélèvement semble avoir été entachée, elle aussi, de quelques difficultés.

Ainsi, le quotidien local Clicanoo révèle aujourd’hui un cas inquiétant. Un patient de 67 ans, insuffisant rénal chronique terminal, avait été envoyé à Lyon avec un greffon compatible.

Première (mauvaise) surprise pour les chirurgiens lyonnais : l’organe envoyé est un rein en « fer à cheval ». « Quand on a un rein avec une anomalie congénitale comme celle-là, on ne prend pas le risque de prélever car cela peut poser des problèmes techniques au niveau chirurgical » commente un spécialiste, cité par le quotidien Clicanoo (les avis ne sont cependant pas toujours aussi tranchés en fonction des équipes).

L’audace des praticiens réunionnais semblait cependant s’être révélée payante puisque la greffe put avoir lieu. Las, deux jours après la transplantation, le patient déclare une infection. Très rapidement, la trace des bactéries en cause est remontée : leur présence est retrouvée dans le liquide de conservation du greffon. Or, ce liquide « est censé être stérile. Cela veut dire qu’il y a eu une erreur lors de la manipulation du liquide », remarque un praticien.

Etant exclu, en raison de la rapidité de la déclaration de l’infection, que l’erreur ait eu lieu à Lyon, les interrogations se retournent soit vers le distributeur du liquide de conservation, soit vers l’hôpital Bellepierre. Or, le quotidien Clicanoo révèle une information qui ajoute à la confusion : en effet, lors du prélèvement, une plaie aurait été constatée au niveau de la paroi digestive du donneur. Une telle constatation aurait sans doute dû stopper le prélèvement, afin d’éviter tout risque pour le receveur. Si une enquête plus poussée doit être menée, l’élément le plus troublant de cette affaire concerne probablement l’inaction de l’ARS-OI. Cette dernière a en effet indiqué que ce cas ne semblait pas devoir remettre en cause la décision de reprise de l’activité de greffe… tout simplement parce que l’ARS n’en avait pas été informée directement par le CHU. Ce silence ne manque pas d’être préoccupant, d’autant plus que parmi les griefs adressés au CHU avant la suspension de l’activité de greffe figurait l’absence de transmission des « événements graves et indésirables ».

Pour le patient auquel le rein greffé a dû être retiré, l’affaire en tout cas s’arrête là. Il assure en effet préférer aujourd’hui se retirer de la liste des patients en atteinte de greffe plutôt que de devoir subir une nouvelle épreuve similaire.

En 2009, 128 Réunionnais étaient en attente de greffe, un nombre plus élevé que ne le voudrait la population de l’île, la moyenne nationale de personnes en attente d’un rein étant en effet de 107,9 par million d’habitants, contre 155,5 à la Réunion.

D’après Aurélie Haroche, quotidienne du JIM du 11/10/2011

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