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Dialyse, greffe, une enquête pour mesure la qualité de vie

Une enquête chez les patients en insuffisance rénale terminale Comprendre et améliorer les déterminants de la qualité de vie

Dans le cadre du plan Qualité de vie des personnes atteintes de maladie chronique, deux enquêtes nationales ont été menées auprès de patients dialysés ou transplantés rénaux.

Les données obtenues, publiées pour les dialysés (1), en cours de finalisation pour les transplantés, constituent une évaluation initiale de la situation, et fournissent de précieuses indications sur les points à améliorer. Explications du Pr Serge Briançon*.

LE QUOTIDIEN – Les deux enquêtes nationales sur la qualité de vie des patients dialysés et des transplantés rénaux sont une première en France. Pouvez-vous préciser l’origine et la méthodologie de ce travail ?

Pr Serge Briançon – Depuis une dizaine d’années déjà, les néphrologues de la région Lorraine se sont structurés en réseau. Notre équipe de recherche, développant des instruments de mesure de l’état de santé incluant le point de vue des patients, et collaborant par ailleurs depuis 2004 à l’élaboration du plan Qualité de vie des personnes atteintes de maladie chronique, il était logique d’étendre à l’échelon national les travaux initiés en Lorraine. En 2005, un échantillon de 1 000 patients dialysés a donc été tiré au sort dans les huit régions participant alors au système REIN (réseau épidémiologique et d’information en néphrologie). Une procédure quasiment analogue a par ailleurs été lancée l’an dernier auprès des transplantés rénaux. Des questionnaires ont été transmis à ces patients soit par l’intermédiaire des centres de dialyse, soit directement à leur domicile pour les transplantés. Nous avons obtenu des taux de réponses très satisfaisants pour ce type d’enquête (67 % chez les dialysés, 70 % chez les transplantés). Les questionnaires remplis étaient de deux types. Chez les dialysés comme chez les transplantés, un questionnaire générique, le MOS SF36 (Medical Outcome Study – Short Form 36 items) a permis d’apprécier le fonctionnement physique, la santé mentale, les douleurs physiques, la vie relationnelle, la vitalité, la santé générale et les limitations dues à l’état physique ou mental. Un questionnaire spécifique a par ailleurs été utilisé : le Kydney Disease Quality of Life chez les dialysés, et le R-TransQoL chez les transplantés. Enfin, les données de qualité de vie, transmises par chaque patient, ont été croisées avec ses propres données médicales, recueillies à travers le système REIN et la base de données CRISTAL, de l’Établissement français des greffes.

Quels sont les résultats obtenus chez les dialysés ? Les résultats du SF36 sont exprimés sur une échelle graduée de 0 à 100, et l’on considère qu’une variation de 5 points est cliniquement signifiante. Les données obtenues ont par ailleurs été comparées à celles d’un échantillon de population générale de plus de 20 000 personnes, soumises par l’INSEE à ce même questionnaire. Chez les sujets dialysés, on constate une perte de 36 points sur le fonctionnement physique, et une perte de plus de 20 points sur les douleurs.

Notons au passage que l’enseignement n’insiste pas suffisemment sur ces douleurs, liées aux symptômes, aux traitements, aux infections, etc. Enfin, s’agissant de la santé mentale, on constate une altération de 11 points.

Quant au questionnaire spécifique, il met en avant le fardeau que constituent la maladie et sa prise en charge. Ces résultats sont retrouvés pour les deux sexes, et à tous les âges, même si la dégradation relative est plus importante chez les sujets jeunes. Ils confirment donc l’importante dégradation de la qualité de vie à laquelle on pouvait s’attendre, et cela, de manière chiffrée, ce qui est important dans le cadre du plan Qualité de vie, et de l’évaluation périodique des mesures à mettre en oeuvre.

Et chez les patients transplantés… ? Il s’agit de patients primotransplantés, qui n’ont donc pas connu la difficile épreuve du rejet, allant jusqu’au retour en dialyse. Après les ajustements pour l’âge et les comorbidités (maladies cardio-vasculaires, diabète…) qu’implique la sélection de cette population parmi les insuffisants rénaux, la dégradation apparaît moindre que chez les dialysés. Par rapport à la population générale, la perte au niveau physique est ainsi de 10 points, et de 1,2 point seulement au niveau mental, ce qui n’est pas significatif.

Ces résultats confirment, chiffres à l’appui, que la transplantation améliore non seulement la survie, mais aussi la qualité de vie des insuffisants rénaux.

Quels enseignements pratiques peut-on tirer de ces études ? Un certain nombre de différences ont été relevées en fonction du type de soins. La dialyse péritonéale, notamment, apparaît supérieure à l’hémodialyse en termes de qualité de vie. La capacité des patients à maîtriser le traitement est également déterminante, comme le montre la moindre dégradation associée à la dialyse à domicile.

Autre point important, le poids des comorbidités, parfois insuffisemment prises en charge, ou prises en charge sans réelle coordination entre spécialités. On est ainsi frappé de voir que les diabétiques sont fréquemment hospitalisés très tard, voire en urgence, alors même qu’ils devraient apriori être mieux informés sur le risque rénal. Il faut enfin souligner l’impact de l’état nutritionnel, et de l’anémie en phase de prédialyse, sur la qualité de vie ultérieure.

En pratique, s’agissant du type de dialyse, une importante variabilité interrégionale est constatée dans les habitudes de prises en charge. Une large diffusion des résultats pourrait donc permettre d’améliorer les choses. De même pour la coordination entre équipes et l’information des patients. Quant à l’éducation thérapeutique, il s’agit d’un axe essentiel du plan Qualité de vie.

L’impression générale est donc que des déterminants majeurs de la qualité de vie des insuffisants rénaux peuvent être améliorés : quelques 30 000 dialysés et 20 000 transplantés sont concernés. C’est un travail à long terme, qui suppose une évaluation régulière. Nous proposons ainsi de refaire le point tous les trois ans sur les données actuelles. Le plan Qualité de vie est en place pour la période 2007-2011. Ensuite, tout dépendra des arbitrages budgétaires.

Propos recueillis par VINCENT BARGOIN * Responsable de l’école de santé publique de la faculté de médecine de Nancy, du service d’épidémiologie et d’évaluation cliniques du CHU de Nancy, et de l’équipe de recherche EA 4003 risques, maladies chroniques et santé.

(1) Surveillance de la qualité de vie des sujets atteints d’insuffisance rénale chronique terminale. Rapport qualité de vie – REIN. Volet dialyse 2005. http://www.invs.sante.fr/publications/2008/insuffisance_renale/index.html.

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