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Cellules souches, cellules de l’espoir ?

Le Figaro, 6 août 2005

Connue de longue date, l’existence de cellules souches adultes unipotentes et multipotentes avait trouvé des applications dans le traitement d’hémopathies malignes et de déficits immunitaires.

Voilà moins de dix ans, de nouvelles découvertes ont permis d’entrevoir des indications plus larges. Il s’est agi de la mise en évidence, chez l’adulte, de cellules souches dans le système nerveux central, et de la capacité de transdifférenciation que possèdent les cellules souches neuronales, hématopoïétiques et mésenchymateuses.

Malgré ces découvertes et les perspectives thérapeutiques qu’elles ouvrent désormais, nombre de scientifiques continuent de dénoncer les illusions qu’entretiendraient, selon eux, les publications qui en font état. On vilipende ceux qui, avec une rigueur scientifique qu’on ne peut contester, défendent l’idée selon laquelle les cellules souches embryonnaires ne constituent pas la seule voie d’avenir pour le traitement de pathologies aussi répandues, et auxquelles les opinions publiques sont sensibilisées, que sont la maladie de Parkinson ou l’Alzheimer ou les maladies dégénératives, ou encore l’infarctus du myocarde.

L’argument qui fait mouche consiste à dénoncer les chercheurs et les médecins qui, développant des arguments de nature scientifique – le risque non maîtrisé de carcino genèse – ou de nature éthique, s’opposent à l’utilisation thérapeutique des cellules embryonnaires.

Le reproche le plus grave qu’on leur adresse prend volontiers la forme du dilemme : “Ou vous acceptez, parce que la fin justifie les moyens, que des cellules d’embryons humains permettent la guérison de maladies redoutables, ou vous vous y opposez, faisant passer vos propres convictions avant la santé des malades.” De tels propos sont excessifs. Ils ne prennent pas en compte la marge d’incertitude qui demeure quant aux possibilités thérapeutiques des cellules souches embryonnaires, ni les résultats prometteurs obtenus, dans l’infarctus du myocarde par exemple, par des thérapies cellulaires autologues issues de culture de myoblastes, comme le fait Ménasché (Inserm Paris).

Heureuse coïncidence, A. Linke et ses collaborateurs ont constaté récemment chez le chien une amélioration de la fonction cardiaque après un infarctus, lorsqu’on lui a injecté des facteurs de croissance, qui agissent en mobilisant les cellules souches adultes présentes dans le coeur !

Des travaux très récents publiés dans Nature Neurosciences du 12 juin 2005 doivent être versés au débat et devraient atténuer le caractère “idéologique” des confrontations. Les uns concernent le traitement de la maladie de Parkinson (Pierre-Marie Llado, CNRS-Institut Pasteur Paris, et Magdalena Götz, à Munich) ; l’autre, le cancer colo-rectal (S. Artavanis-Tsakona, à Boston, et D. Louvard, Institut Curie, Paris).

M. Llado et Mme Götz sont parvenus non seulement à transformer chez la souris des cellules souches normales du cerveau adulte en neurones capables de sécréter la dopamine – dont l’insuffisance est à l’origine de la maladie de Parkinson -, mais aussi à les orienter dans une zone du cerveau, le striatum, connue comme étant le siège des lésions de la maladie. Avec prudence, évoquant les étapes qui restent à franchir, Pierre-Marie Llado explique que les cellules souches adultes constituent un espoir sérieux de traitement de la maladie de Parkinson.

Venons-en au très beau travail de Spiros Artavanis-Tsakona et de Daniel Louvard, directeur du Centre de recherche de l’Ins titut Curie, et de leurs équipes, concernant les pathologies cancéreuses colo-rectales. Faisant le constat que “les cellules cancéreuses retournent à un état relativement indifférencié, font en quelque sorte le cheminement inverse des cellules souches qui se différencient au fil des divisions”, les chercheurs se sont intéressés au rôle des cellules souches adultes dans le développement des lésions cancéreuses. Un gène identifié, le gène Notch, et la protéine dont il commande la synthèse interviennent dans la régulation de la division des cellules souches et de certaines cellules des villosités intestinales en “éteignant” la prolifération cellulaire à partir des cellules souches. D’autres travaux permettent d’entrevoir la possibilité de bloquer l’activation de ce gène et de faire ainsi régresser des lésions coliques précancéreuses.

Sans entrer dans le détail de ces découvertes très récentes, on doit souligner le danger, dans toute démarche scientifique, d’une attitude par trop manichéenne. “Hors les cellules souches embryonnaires point de salut !”, affirment certains. A propos de la transformation de cellules souches du cerveau adulte, P. M. Llado a déclaré : “Parce qu’elle était contraire à toutes les certitudes en matière de physiologie cérébrale, cette réalité n’a pas été acceptée facilement”… et c’est un euphémisme !

Il faut désormais considérer les cellules souches adultes pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire “des cellules de l’espoir”, et mettre un terme à des querelles où, trop souvent, des présupposés idéologiques l’emportent sur la démarche scientifique.

Claude Huriet, Sénateur honoraire, membre du Comité international de bioéthique de l’Unesco.

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