Actualités

Matthieu : la mise en route des dialyses

Dimanche 5 février 2006

Une journée au ski est prévue avec ma famille. Depuis quelques mois, je suis fatigué, j’ai des nausées matinales qui ne semble pas vraiment inquiéter mon médecin traitant. Depuis quelques semaines, j’ai de violentes crampes dans les jambes, des étourdissements fréquents. Je décide ce jour là de me reposer et de ne pas aller au ski.

Lundi 6 février 2006

Je consulte, une fois de plus mon médecin pour ces symptômes, il prescrit une prise de sang, pour vérifier que tout est normal.

Mardi 7 février. 7H30

Je fais ma prise de sang, puis, encore très fatigué, je pars me reposer chez mes parents. Malgré les crampes incessantes, je m’endors profondément sur le canapé.

11H00

Téléphone. Mon médecin traitant me demande d’aller récupérer mes 1ers résultats au labo et de descendre aux urgences de la clinique la plus proche de chez moi. Il m’explique qu’il faudra sans doute consulter un spécialiste pour en savoir plus. Je préviens mon boulot que je ne serai pas présent cet après midi. Je crois alors simplement à une très forte anémie qui nécessitera une piqûre de fer ou je ne sais quoi en clinique. Je mange et je pars récupérer les analyses, qui ne sont finalement disponibles qu’a 15H (le labo fermant entre midi et 3)

16H00

J’arrive aux urgences, on me refait immédiatement une prise de sang pour vérifier les 1ers résultats, réalisés il est vrai un peu en urgence. J’attends les résultats définitifs et ma soeur, inquiète, me rejoint. Je l’houspille vaguement de s’être déplacer, la suite montrera à quel point je fus soulagé qu’elle soit a mes cotés.

17H00

Les résultats arrivent et la doctoresse des urgences me prévient que le néphro va descendre. Là, j’ai compris.
Je suis né avec les reins atrophiés, j’ai été opéré deux fois dans ma toute petite enfance pour deux reflux vésico-urétéraux. Depuis la surveillance s’était fortement espacée car tout allait pour le mieux. Les analyses étaient stables et pas trop mauvaises. Pour être franc, j’avais oublié qu’un jour je pourrais être malade. Je n’avais jamais plus repensé à mes reins comme un problème.
Je n’ai pas encore compris à ce moment que c’était sérieux. J’ai même cru que tout ça n’était qu’une fausse alerte puisque ni mon médecin traitant ni le labo n’étaient au courant de mon passé médical et que, finalement mes résultats, pour mon cas, n’étaient peut être pas si terribles. Naïveté.

18H00

Entrée du néphrologue. J’ignorais alors qu’il allait devenir mon néphrologue, mon médecin, mon référent, mon complice dans une aventure que je ne soupçonnais encore pas.
Le néphrologue nous a salué puis a lu les analyses, dos a nous, ne pouvant s’empêcher d’émettre des murmures inquiétants. Nous sommes tout de suite aller en échographie, espérant voir des reins ultra dilatés et débloquer la situation par un acte chirurgical simple.

A l’échographie, la difficulté simplement à trouver les reins, m’a fait comprendre que c’était loin de ce que l’on espérait au départ. Impression vite confirmée une fois revenus près de ma soeur dans la salle des urgences.
Il fallait dialysé vite, très vite.

Il faudrait également vite se préparer à la greffe.

Nous avons décidé de m’hospitaliser dès le lendemain, nous profiterions de la mise en place des premières dialyses pour faire l’intégralité du bilan pré transplantation. Devant le choc apparent de ma sœur et moi (bien que dans une moindre mesure me concernant) le néphro décide de nous présenter dès ce soir la salle de dialyse du centre. Nous sommes accueillis à l’étage supérieur par une jeune infirmière dont je ne me rappelle que l’incroyable beauté. D’emblée elle se présente, me donne son prénom et me tutoie. Je comprends alors que je vais côtoyer ces personnes de façon régulière. J’imagine que lorsqu’on tutoie les infirmières, qu’on les appelle directement par leur prénom, cela doit sans doute signifier qu’elle ont devenir un peu plus que des soignants, la suite me montrera que l’on développe en effet une étrange complicité…

Avant de partir, le néphro m’annonce que je suis en droit de refaire un diagnostic ailleurs, de choisir une autre équipe, un autre centre d’hémodialyse. Je n’y avais pas même songé. Instantanément, cet homme était devenu mon médecin.
Dans la voiture qui me ramène chez mes parents, j’appréhende l’annonce sinistre que je dois leur faire. Fort heureusement, ma sœur était arrivée avant moi. Je trouve des visages fermés, je tente en vain de faire bonne figure, j’entrevois pour la première fois, dans mon argumentaire, la chance que peut être la transplantation.

Mercredi 8 février 2006 16H00

Bureau des admissions. Tout semble facile, tout semble prévu. Je mets moins de dix minutes à me retrouver dans la chambre. Un peu plus tard mon médecin est là, on va poser le cathéter d’un moment à l’autre.

Je ne sais plus combien de temps plus tard, je suis couché, un champ stérile sur le visage, on me pique afin que je ne sente pas la pose délicate de l’engin. Mes connaissances sont plus que limités, je n’imagine pas encore les nuisances futures avec ce truc dans ma gorge.

La pose s’avère difficile, on décide, quelques minutes plus tard de poser le cathé sous radiologie.

Une fois en bas, tout devient plus facile. Malgré mon appréhension, la pose se passe correctement, je parviens a me calmer suffisamment pour permettre aux médecins d’officier.

De retour dans ma chambre, quand le produit anesthésiant se disperse, je comprends que j’ai un corps étranger dans la gorge, qu’il ne me fait pas vraiment mal mais que je le sens terriblement. On me prévient que je vais devoir vivre avec cet objet en moi, quelques semaines encore.

Je m’endors tant bien que mal, cherchant sans cesse la position qui me fait le moins ressentir ces tuyaux qui me vampirisent. Je dors quand même pas trop mal, essayant d’oublier sans cesse que demain matin, j’irai faire ma toute première dialyse.

Jeudi 9 février 2006

Je sens un brassard qui me serre le bras, je mets quelques secondes à me rendre compte que l’on est en train de prendre ma tension. Je vais devoir descendre en dialyse, je ne pense qu’à ça. Une infirmière viendra me chercher.

Je suis dans le couloir, face à l’ascenseur. Je suis étrangement calme. J’arrive encore un instant à imaginer les personnes qui sont passées par là avant moi. L’ascenseur s’ouvre, la jolie jeune femme de l’avant-veille me salue en souriant. Nous descendons je découvre ma chambre et ma machine. Peu de temps après, j’ai de nouveau un champ sur le visage, on branche mon cathé à la machine.

Moins de quinze minutes après, la séance commence, elle durera trois longues heures.

Les deux premières heures se passent sans encombre, je me sens plutôt bien. Puis, un mal de tête survient, ne me quitte plus, je me sens seul, je compte vaguement les minutes restantes. La séance se termine, soulagé, je m’assois dans mon lit, je découvre que je suis sujet à de violents vertiges. On décide de me remonter dans ma chambre en chaise roulante.

Une fois dans mon lit, je suis soulagé mais je me sens vidé de quelque chose, je ne me sens pas très bien, psychologiquement parlant. Je me rends compte en réalité que je viens de faire ma première séance que j’ai entamé un processus irréversible. Pour la première fois, je me sens malade. Par-dessus tout, j’appréhende déjà la prochaine séance, dans deux jours, je ne sais pas pourquoi. Mon état physique est plutôt bon, mais j’ai peur.

Heureusement pour moi, je n’ai pas le temps de trop me laisser aller à la déprime que déjà il faut commencer le bilan pré transplantation. Je descends en radio pour faire l’incroyable album photo de l’intérieur de mon corps dans son intégralité.
Je dois aujourd’hui rendre hommage aux manipulateurs qui eurent bien du mal à faire leur boulot, tant j’étais encore sujet aux vertiges, m’obligeant à faire des poses de plus en plus longues.

Nous avons passés les quinze jours suivants, à jongler entre le bilan, les séances de dialyses qui se déroulaient de mieux en mieux (à part les vertiges qui m’assaillaient jusqu’au lendemain des séances) et la pose de la fameuse fistule.
L’echo-doppler, révéla, à mon regret, qu’il faudrait placer la fistule au pli du coude, sur le bras droit.

L’intervention s’est bien déroulée et ma fistule a commencé à fonctionner dés le début. La douleur post opératoire était atténuée, d’une part par les calmants et d’autre part, par la perspective de développement de l’abord vasculaire, synonyme du retrait du cathé qui gène incroyablement les patients.

Au bout de quinze jours, le bilan était achevé et ne montrait aucune tare médicale susceptible de compromettre une transplantation. Fort de ces informations rassurantes, je suis rentré chez moi, et j’ai entrepris ma vie avec les dialyses. La routine s’est lentement mise en place et j’ai appris à organiser ma vie en fonction de ces allers et retours à la clinique.

Aujourd’hui, quelques semaines plus tard, je vais bien. Je suis inscrit sur la liste d’attente depuis le 24 mars 2006. Je descends trois fois par semaines dans mon centre d’hémodialyse. Je fais mes séances la nuit, les lundis, mercredis et vendredis. Je souffre encore parfois du contrôle incessant des apports hydriques mais je réussi quand même à limiter la prise de poids entre chaque dialyse de façon raisonnable.

Je passe mes quatre heures à regarder des DVD sur mon ordinateur portable, j’arrive plutôt bien à rendre ce moment relativement agréable.

J’attends sereinement qu’un jour ou une nuit, mon téléphone sonne affichant un numéro que je ne connais pas encore.

Partagez

Plus de lecture

Répondre

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *